Dans l’histoire des montres de plongée, la conquête des grandes profondeurs franchit une étape importante en 1963. Parmi les pionnières : de « petites » montres à la physionomie particulière mais savamment conçues, aujourd’hui surnommées « Baby Panerai » par les collectionneurs.
Naturellement, la problématique d’afficher l’heure à 1000 mètres de profondeur ne concerne pas le commun des mortels. Mais quand la volonté de répondre à ce besoin aboutit à la création de si beaux objets horlogers, la cible tend à s’élargir aux esthètes et amateurs.
Aujourd’hui, les montres les plus performantes sont capables d’atteindre des profondeurs incommensurables — jusqu’à 5000 voire 6000 mètres — mais il s’agit encore de modèles d’exception. Les montres étanches à 1000 mètres demeurent, elles-mêmes, encore assez rares. Lourdes, massives, ultra-équipées et sécurisées, ces grandes plongeuses contemporaines impressionnent le chaland.
Face à cela, ce qui impressionne encore davantage, c’est que, il y a plus de cinquante ans, des ingénieurs ont réussi, dans un volume réduit, sans valve de décompression ni même couronne vissée, à concevoir un objet capable d’accomplir la même performance. Nous parlerons une autre fois des Jenny Caribbean, qui fréquentaient aussi les grandes profondeurs au début des années 1960 et partagent notre admiration pour ces réussites techniques, pour nous concentrer ici sur la grande famille des « Baby Panerai ».
Des caractéristiques exclusives, le charme en plus
Globalement, peu d’informations sont disponibles sur ces premières « 1000-Mètres » mais, grâce aux recherches menées par l’excellent Roger Ruegger et publiées sur son site Diveintowatches.com, le titre de pionnier revient, jusqu’à plus ample informé, à la marque Sandoz. Ruegger en effet exhumé le numéro de juillet 1963 d’un journal horloger suisse laissant apparaître, sous cette marque, une montre dotée d’un surprenant boîtier en acier suédois de forme « coussin », d’une lunette mobile également en acier et d’un magnifique cadran laqué pourvu de longs index pointus.

Dans son numéro de mars 1964, le même journal rend compte des nouveautés de la foire de Bâle (11-21 avril) et fait état du lancement de « montres de plongée pour 30, 70 et 100 atmosphères » (à savoir, respectivement, 300, 700 et 1000 mètres), citant les marques Jenny Caribbean et Sandoz. Il semble donc que, si 1964 est l’année de lancement officiel et simultané des deux modèles, ce soit bien la Sandoz qui ait, de facto, devancé Jenny dans la réalisation de la première montre connue capable de résister à un kilomètre de profondeur.
Ainsi démarre donc la longue carrière des Baby Panerai… Mais pourquoi ce surnom affublé, bien plus tard, par les collectionneurs taquins ? La réponse est simple : ces montres ont, par bien des côtés, un aspect qui rappelle fortement (toute proportion gardée !) les productions de la prestigieuse Officine…

Sous tous les angles, c’est bien une Panerai en réduction qu’on a l’impression d’avoir entre les mains. Enfin en réduction certes mais, à côté du homard italien, le « bébé » tient quand même plus de la langouste que de la crevette — si on laisse de côté la version lady que certaines marques ont commercialisée.

Dimensions
LHC : 38 mm.
LHT : 47,5 mm.
EC : 18 mm.
EHT : circa 18 mm*.
* L’épaisseur peut dépendre fortement du verre installé sur la montre.
Le secret de la robustesse de ces montres ? un acier de grande qualité, un assemblage soigneux, un fond vissé exclusif et un verre acrylique spécialement conçu. Ce dernier est d’autant plus important que, sous forte pression, c’est bien le verre qui constitue la partie la plus vulnérable de la montre. Sur la plupart des Baby Panerai, il s’agit d’un verre de 3,4 mm d’épaisseur maintenu par une bague spéciale vissée de l’intérieur, que l’on ne peut, théoriquement, déloger qu’à l’aide d’un outil spécial…
Autre caractéristique intéressante : les habituelles pompes à ressorts sont remplacées par des pompes vissées qui assurent, sans conteste, une stabilité bien supérieure.
Sandoz 1000 mètres : la pionnière
Rien que chez Sandoz, plusieurs variantes vont se succéder jusque dans les années 1970.
Les premières générations son équipées d’un excellent mouvement automatique A. Schield, calibre AS 1700/01 à 27 rubis, offrant en prime la date. Elles sont dotées d’un cadran portant de jolis index en « dent de requin », comme sur cet exemplaire partagé par Uhrenruebe. On notera que ni le cadran ni le fond de boîte ne porte de mention 1000 M ou 100 ATM.
La version suivante connaît quelques évolutions. La plus visible est l’allongement des index, qui renforce considérablement la personnalité de la montre. Le fond porte désormais la mention GUARANTEED 100 ATM.
L’exemplaire ci-dessous, sans doute encore un peu plus tardif, affiche désormais sur le cadran : 25 JEWELS AUTOMATIC.

Quant au fond de boîte, il porte toujours la référence 1733-Y-79-2 mais adopte un nouveau profil et une disposition des écritures différente. Sur le cadran, la mention INCABLOC disparaît et AUTOMATIC passe à 6 heures. Détail amusant, la mention GARANTEED 100 ATM, avec une faute d’orthographe…
Sur les séries suivantes, le cadran et les aiguilles initiaux sont troqués contre une combinaison jugée sans doute plus moderne, à défaut d’être plus esthétique et lisible.

Nivada DepthMaster
Toujours selon Roger Ruegger, c’est en 1967 que Nivada aurait, à son tour, adopté le boîtier Baby Panerai pour lancer sa propre « 1000-Mètres ».


Avec les Sandoz, les Depthmaster 1000 sont un peu les stars de la catégorie, en particulier les versions dotés d’un cadran au design art déco qu’un collectionneur (qui avait les références qu’il pouvait) baptisa un jour « Pacman »…

La version « Pacman »
Il semble que la première version soit, chronologiquement, celle qui a reçu le surnom de « Pacman » en raison de la forme originale du 6 et du 9 sur son cadran d’inspiration Art-Déco.
On peut également supposer que la toute première variante est celle reproduite ci-dessus, qui a la double particularité d’avoir une trotteuse garnie de matière lumineuse et un fond de boîte ne mentionnant pas la marque Nivada.


La première version de cadran se rencontre également sous la marque Croton (ci-dessous, à gauche), puis avec la mention AUTOMATIC (ci-dessous, à droite).


La Depthmaster se charge ensuite d’un mouvement ETA 2472 lui permettant d’offrir la fonction date. La dernière version du cadran sans date est alors reprise avec le traditionnel guichet à trois heures. Le cadran « Pacman » n’évolue plus, si ce n’est en troquant la mention SWISS pour la mention SWISS T<25Ci (Ci pour curie, l’ancienne unité de radioactivité) :


La version date adopte un fond marqué Nivada Grenchen et portant la référence 9911 2419.
La version « Gros chiffres »
J’ai vainement cherché une appellation appropriée pour cette version et, de guerre lasse, adopté « Gros chiffres ». Pas très élégant pour une cadran qui, pourtant, ne manque pas de caractère ! Pour le coup, c’est un design assez répandu à l’époque parmi les montres de plongée. On peut songer, par exemple, à certaines Elgin du début des années 1960 ainsi qu’à de nombreuses skin divers produites par Dodane et autres Savoisiennes évoquées par ailleurs.


La version « Snake hand »
Par la suite, une série de versions à cadrans noirs ou colorés — orange et vert — est proposée avec un jeu d’aiguilles spécifique : glaive, tête de serpent et lollipop. Celles-là sont plus tardives et particulièrement rares.
Ci-dessous, un exemple divin de cette version dans un état d’origine exceptionnel :
La version « Exotique »
Enfin, il semble que la saga se termine avec une rare version à cadran « exotique » qui sort du lot avec le non moins rare logo « escargot » présent sur une version très recherchée du Chronomaster Aviator Sea Diver :
A noter que ce cadran évoque furieusement celui d’une version de la Zodiac Sea Wolf de la même époque :


FRed, ta Sandoz me tue et ton article vient de m’achever. Je ne te remercie pas. Depenses horlogères en vue …
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Je suis sincèrement désolé de t’infliger ces tortures ! ;-)) Il y a une ou deux occasions sur le marché ces jours-ci…
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