Parmi les mouvements les plus prisés, le Valjoux 23 arrive dans le peloton de tête. Il a équipé toute une génération de Chronomaster Aviator Sea Diver (CASD), de même que sa déclinaison à date, le calibre 234, sous l’appellation Chronoking.
L’utilisation du mouvement Valjoux 23 — qui a servi de base, rappelons-le, à toute une famille de calibres, dont le mythique 72 — débute probablement dès 1965-1966. Les premiers exemplaires ont une apparence similaire à celle de leurs cousins animés du Valjoux 92. Il ne paraît se distinguer que par la couronne, non signée mais plus épaisse.
Caractéristiques techniques du calibre Valjoux 23
. Dimensions : 13 lignes (29,5 mm) à 17 rubis.
. Fonctions : deux compteurs (seconde perpétuelle et totalisateur 30/45 minutes).
. Remontage : manuel.
. Fréquence : 18 000 A/h.
. Réserve de marche : 48 heures.
Le calibre Valjoux 23 est un mouvement à roue à colonne à deux poussoirs. Le poussoir situé à 2 heures permet de lancer la mesure et de l’arrêter, le poussoir situé à 4 heures permettant la remise à zéro.
Transitions successives
Le modèle semble intégrer ensuite, progressivement, des évolutions qui assurent la transition vers la deuxième génération de Chronomaster.
Le changement qui paraît survenir en premier est celui du cadran. Plat dans les versions primitives, il se caractérise désormais par des sous-compteurs en creux avec un effet de texture qui les détache plus visiblement du reste du cadran (le pourtour des sous-compteurs est lisse et brillant, par opposition au reste du cadran, qui est mal, voir l’exemplaire ci-dessous). À ce stade, aucun changement graphique n’est initié sur le cadran.
CROTON Chronomaster, cal. Valjoux 23, circa 1965.
CROTON Chronomaster, cal. Valjoux 23, circa 1965.
CROTON Chronomaster, cal. Valjoux 23, circa 1965.
CROTON Chronomaster, cal. Valjoux 23, circa 1965.
CROTON Chronomaster, cal. Valjoux 23, circa 1965.
CROTON Chronomaster, cal. Valjoux 23, circa 1965.
CROTON Chronomaster, cal. Valjoux 23, circa 1965.
CROTON Chronomaster, cal. Valjoux 23, circa 1965.
Par la suite, le cadran adopte d’autres évolutions : les index horaires lumineux sont désormais plus épais et le graphisme des sous-compteurs abandonne la disposition radiale des informations. L’ensemble perd en charme mais gagne en lisibilité.
Il semble qu’une nouvelle couronne signée fasse son apparition dans cette période :
Puis, la fine aiguille des secondes cède la place à une spectaculaire lollipop rouge du plus bel effet.
Enfin, dans sa configuration « définitive » et « standard » (notez les guillemets, tant la chronologie reste incertaine), le Chronomaster adopte des aiguilles droites et peintes en blanc (y compris pour les sous-compteurs), tout en conservant cette la grande lollipop rouge pour le compteur de secondes.
À l’exception des premières séries, sur lesquelles est toujours inscrit NIVADA GRENCHEN en simples lettres majuscules sans empattement, le nouveau logo fait son apparition, avec un « N » majuscule intégré dans un écusson surmontant Nivada Grenchen, ou Nivada tout court en italique.
Plus épaisse et d’un diamètre inférieur à celle que l’on trouve dans les modèles antérieurs, la couronne adopte également le sigle « N ».
Une hypothétique et exotique version Régate
Bien que le Nivada CASD ait été doté, dès l’origine, d’un compte à rebours de départ de régate (la fameuse part de camembert rouge et graduée de 5 à 1), quelqu’un s’est apparemment soucié de proposer une version plus clairement typée régate, dans la veine des Yema Yachtingraf ou Heuer Skipper. S’agit-il d’une commande spéciale, d’une petite série, d’une configuration réalisée a posteriori ?
NIVADA GRENCHEN Chronomaster, cal. Valjoux 23, circa 1967.
Certains modèles de Chronomaster sortent à la fin des années 1960 avec une appellation spécifique : Chronoking. Ces versions « de luxe » se distinguent par un cadran noir mat dont se détachent deux compteurs gris et brillants, perçus comme plus modernes. Tous les modèles partageant ces caractéristiques ne portent cependant pas ce nom particulier et conservent alors l’appellation habituelle, Chronomaster.
Le boîtier ne change pas et les aiguilles droites sont également celles des Chronomaster contemporains mais on rencontre également des exemples avec des aiguilles plus fines et pointues, telles que sur l’exemplaire représenté ci-dessus. L’aiguille lollipop est, en revanche, délaissée au profit d’une aiguille plus simple. L’insert de lunette, enfin, adopte le lettrage plus carré que l’on retrouve ensuite sur d’autres modèles de CASD des années 1970. La couronne, enfin, apparaît plus massive et anguleuse ; elle n’est plus signée comme sur les CASD lollipop.
Le Chronoking existe dans une version sans date (calibre 23) et avec date (calibre 234, évolution du précédent).
Voici même une rare variante Nivada sans autre inscription :
NIVADA Chronoking, cal. Valjoux 23, circa 1970.
NIVADA Chronoking, cal. Valjoux 23, circa 1970.
Et une autre encore avec un logo atypique :
NIVADA Chronomaster, cal. Valjoux 23, circa 1970.
Une proche cousine chez Austin
La marque Austin a commercialisé aux États-Unis plusieurs modèles de Nivada. Il existe notamment une version de la Depthmaster sous ce label. À l’évidence, le CASD a également eu droit à sa déclinaison locale, dans la version à Valjoux 23…
La date en plus
Les modèles dotés du calibre Valjoux 234 — excellent mouvement que l’on retrouve aussi sur le rarissime Nivada Datomaster ainsi que sur les Tudor Monte-Carlo et quelques autres chronographes Yema, Enicar…) gagnent donc une fonctionnalité supplémentaire : l’affichage de la date, avec un guichet positionné à douze heures.
Cette référence se trouve sous les marques Croton et Nivada, cette dernière semblant avoir, à cette époque, réussi à se passer de la référence à la ville de Granges (Grenchen) à laquelle Movado l’avait contrainte vers 1960.
Paul Newman, sors de ce corps
Il y a quelques personnages qui, pour un fondu de montres anciennes, suscitent un émoi tout particulier. Paul Newman en fait partie, pour une raison finalement fortuite : il a popularisé une version particulière de cadran du célèbre chronographe Rolex Daytona. Boudée à l’époque, ce cadran caractérisé par des sous compteurs au graphisme singulier est aujourd’hui devenu un Graal absolu en raison de son pedigree et de la rareté due à on insuccès d’alors.
Eh bien figurez-vous que notre Nivada Chronomaster a, lui aussi, sa version « Paul Newman ». Non parce que le célèbre acteur et coureur automobile aurait possédé ce modèle mais bien parce que le graphisme du cadran reprend fidèlement certaines de ses caractéristiques graphiques.
Aussi rares que recherchés, les CASD « Paul Newman » existent, comme les Daytona, en version « panda » (cadran blanc, compteurs noirs) et « panda inversé ».
NIVADA Chronomaster, cal. Valjoux 23, cadran « Paul Newman », circa 1970.
NIVADA Chronomaster, cal. Valjoux 23, cadran « Paul Newman », circa 1970.
On notera au passage que d’autres marques ont eu recours à ce style « Paul Newman », en particulier chez Lip, Longines, Vulcain… un fil de discussion est d’ailleurs consacré à cet inventaire sur Omegaforums.
Remarque au lecteur
Cet article, comme les précédents et les suivants de cette série, résultent de modestes recherches empiriques et ne prétend ni à l’exhaustivité ni à la certitude. La difficulté à obtenir des informations sur ces modèles — la marque Nivada ayant disparu sans laisser d’archives connues — invite à la prudence… mais aussi à la poursuite de l’exploration…
Depuis sa publication, deux auteurs ont publié un ouvrage qui fait le tour de la question de manière définitive ou presque :
J’arrive un peu en retard… Excellent article, comme toujours!! Deux remarques me viennent à l’esprit:
– le pourtour lisse des sous-compteurs semble être exclusif aux cadrans estampillés « Croton ».
– tu mentionnes l’utilisation du Valjoux 234 pour la Datomaster mais il me semble que c’était, pour la première version, un Landeron 187 et pour la deuxième version un Valjoux 7734.
Qu’en dis-tu ?
Encore une fois, un article extrêmement clair et complet. Une référence.
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Merci, c’est trop !… Tant mieux, en tout cas, si cela peut contribuer à fournir des points de repère pour les amateurs 🙂
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J’arrive un peu en retard… Excellent article, comme toujours!! Deux remarques me viennent à l’esprit:
– le pourtour lisse des sous-compteurs semble être exclusif aux cadrans estampillés « Croton ».
– tu mentionnes l’utilisation du Valjoux 234 pour la Datomaster mais il me semble que c’était, pour la première version, un Landeron 187 et pour la deuxième version un Valjoux 7734.
Qu’en dis-tu ?
PS: je n’oublie pas les photos du coffret CASD…
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Merci pour tes commentaires 🙂 Il faut que je creuse un peu plus loin… À suivre !!
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Erratum… il semblerait qu’une version avec blason Nivada ait également le pourtour des sous-compteurs lisse. cf. terrenceharrison sur IG.
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