Grâce à la renaissance de la marque Nivada et au travail méthodique d’un horloger et collectionneur indien, l’Antarctic, ce modèle lancé dans les années 1950 par la maison suisse établie à Granges, se retrouve bien légitimement mise à l’honneur.
En 2018, la marque Nivada Grenchen était ranimée pour lancer une gamme de chronographes très étroitement inspirés des Chronomaster Aviator Sea Diver des années 1960-1970 auxquels nous nous sommes beaucoup intéressés sur Chronographes.net. Le succès ayant été au rendez-vous, d’autres « néo-Nivada » ont vu le jour avec la réédition de la Depthmaster « baby Panerai » et d’intéressantes réinterprétations de l’Antarctic.
Pendant ce temps, à Bombay, un horloger et collectionneur du nom d’Aashdin Billimoria, connu sur Instagram sous le pseudonyme de @timeboulevard1973, donnait corps à une longue et patiente recherche sur leurs inspiratrices. Ainsi qu’il l’a confié à Fratello Watches, Aashdin a commencé à collectionner les montres à l’âge de neuf ans, lorsque son père lui offrit deux montres suisses dont il possède toujours le set complet, jusqu’aux étiquettes d’origine…
Décelant, avec l’Antarctic, un vaste continent horloger à cartographier, il a entrepris d’établir le recensement de ses multiples variantes et d’en faire un livre. Ayant conçu lui-même l’ouvrage, sponsorisé et distribué par Nivada, il travaille désormais sur un opus dédié aux Nivada Depthmaster, que la marque a également réédités en 2021.

Au prix d’inévitables concessions au marketing, le soutien de la société exploitant désormais la marque Nivada Grenchen a donc permis la matérialisation de cet intéressant projet éditorial.
Retour dans les fifties
Un peu à l’image des Universal Genève Polerouter et des Omega Constellation, Nivada a en effet créé et développé, au fil des années 1950 et 1960, une vaste gamme de montres à trois aiguilles polyvalentes, restées assez largement sous les radars et qui méritent pourtant qu’on y regarde de plus près.
Lancée au début des années 1950, la Nivada Aquamatic doit son appellation à la contraction de ses deux principales caractéristiques : étanche et automatique. Montre réputée tout-terrain, elle sert de base à la gamme Antarctic qui fut, pour sa part, lancée en 1954-1955. Comme le rappelle le livre, cette appellation est directement liée à la mission Deep Freeze I menée par l’US Navy au pôle Sud en 1955-1956. La publicité de l’époque met d’ailleurs en scène un personnage barbu et chaudement couvert, portant sa Corton Nivada Grenchen au poignet droit alors qu’il allume une cigarette, associé à un slogan qui revendique fièrement : « C’est la montre qui est allée en Antarctique avec l’amiral Byrd et l’opération Deep Freeze. Elle a subi la neige, la pluie, le grésil. Elle a heurté la glace. Elle a enduré des températures oscillant entre +100 et -40 degrés. Et elle n’a jamais perdu une seconde. »

L’ouvrage nous indique que cette première version est aussi celle qui connut la plus longue carrière — huit ans. Avec son boîtier de 34,5 mm à cornes biseautées très caractéristiques, c’est aussi celle qui a inspiré les concepteurs de sa réincarnation contemporaine.


Pourvue d’abord d’un mouvement ETA 1256, elle sera ensuite équipée de calibres 23XX et 24XX de la même manufacture.
L’un des aspects intéressants des Antarctic est la variété des cadrans, avec une très particulière spécificité : le travail sur les textures. Dès les années 1950, Nivada Grenchen a ainsi proposé des cadrans au bosselage supposé rappeler la toundra et, avant que ce ne soit réellement la mode, des cadrans présentant un brossage préfigurant les linen dials chers à Rolex.


La suite de l’histoire est faite de pléthore de versions se différenciant, tout comme les « CASD », par la marque (Nivada Grenchen, Croton, Croton Nivada Grenchen), le boîtier (version « Penguin », Antarctic II, III, IV, V, VI) et moult détails passionnants à inventorier pour les collectionneurs compulsifs !
Au seuil des années 1960, l’appellation Antarctic est désormais inscrite dans une typographie cursive qui renforce son identité tandis que les formats se diversifient : on voit ainsi apparaître la « Spider », mue par un calibre ETA 2472, ou encore quelques modèles conçus pour la plongée, comme l’Antarctic 200. L’appellation Antarctic Diver fait son entrée au début des années 1960, puis apparaît l’Antarctic Sea. La fin de la décennie permet aussi à Nivada d’introduire un modèle à mouvement électronique (cal. Dynotron 9154) et même une Antarctic GMT. On notera aussi l’existence de quelques versions dont le mouvement (ETA 2472) est élevé à la norme COSC.
Quant à la rare Aquamatic Super-Antarctic, elle constituer une version plus exclusive — cadran laqué noir, index lumineux, — qui se pose aujourd’hui en reine de la gamme. Ayant eu la chance de mettre la main, il y a quelques années, sur un très bel exemplaire de cet oiseau rare, j’ai aussi eu la surprise et l’honneur de le voir orner la couverture de l’ouvrage d’Aashdin.

En savoir plus
Ce dernier offre, malgré la présence insistante du commanditaire au fil des pages — la promotion de la gamme actuelle est largement assurée, — un panorama inédit et assez complet en première approche d’un sujet qu’on ne pensait pas si vaste. Si l’objectif était de donner envie d’aller plus loin dans le récit et l’analyse, il est assurément rempli !
Références
- Nivada Grenchen. [en] Page officielle de promotion du livre sur les Nivada Antarctic réalisé par Aashdin K. Billimoria.
- Fratello Watches. « Watch Box Stories : Aashdin’s IWC, Rolex, Omega, Breitling, LeCoultre, And Universal Genève Watches », 28 février 2023.[en] Interview d’Aashdin K. Billimoria à propos de sa collection.
- Moonphase.fr : « Croton Nivada Antarctic, la montre de l’amiral Richard Byrd de l’expédition Deep Freeze ». [fr] Passionnant article de notre Simon sur la montre d’un authentique aventurier.
- Vintagenivada.com. [en] Excellent complément au travail partagé dans l’ouvrage d’Aashdin, ce site est une mine d’informations sur les montres Nivada (Antarctic mais pas seulement).
- Crédits : @moclovflop / Instagram., @hobwatchi / Instagram, @circularmomentum / Instagram.
Un commentaire sur « Nivada Antarctic : un ouvrage explore la montre du sixième continent »