La Scafograf 300 réf. 26013 apparaît vers 1964-1965. à la voir, on voit immédiatement que l’intention d’Eberhard a été de conforter les qualités de la version précédente (réf. 11706) tout en procédant à un sérieux « lifting » pour la mettre au goût de l’époque, notamment en adoptant des index bâtons (d’où l’appellation « stick indexes »).
A cette époque, justement, Rolex et Omega dominent incontestablement le marché de la montre de plongée haut-de-gamme avec le succès mondial de leurs Submariner réf. 5513 et Seamaster 300 réf. 165.024. La ressemblance avec cette dernière est d’ailleurs si forte que beaucoup croient que les deux modèles partagent le même boîtier. En réalité, elles n’ont en commun que son concepteur, la maison Huguenin Frères.
Boîtier : la marque Huguenin Frères
Deux évolutions du côté de la lunette
La Scafograf réf. 26013 conserve donc le même boîtier que les réf. 11545 et 11706 avec cependant deux évolutions. La première, rapidement décelable, est que l’insert de lunette est désormais gradué minute par minute sur l’ensemble de la circonférence et non plus sur le seul premier quart.




On trouve fréquemment cet insert sur les Scafograf antérieures lorsque l’insert d’origine, trop détérioré, a dû être remplacé. Souvent aussi, c’est un insert type Submariner qui est implanté pour remplir la fonction. Les inserts montés d’origine ont tous en effet en commun d’être particulièrement vulnérables aux rayures ainsi qu’à une forme d’érosion spécifique à son bord intérieur, probablement liée à la stagnation chronique d’eau salée entre le verre et la lunette (quand on vous dit qu’il faut rincer sa montre à l’eau claire après la baignade ou la plongée !). Trouver un exemplaire avec un insert irréprochable relève ainsi de la gageure…
La seconde évolution, qui concerne également la lunette, est l’introduction d’un système de crantage qui vient « cliquer » contre une petite bille d’acier enclavée dans la carrure. Sans empêcher la lunette de tourner dans les deux sens, cette sécurité permet au moins de limiter les risques de fausse manipulation en plongée. Ce même dispositif se retrouve sur les Omega Seamaster 300 réf. 165.024.

DIMENSIONS
LHC : 42,5 mm (41 mm à la lunette).
LCC : 43 mm.
LHT : 47,4 mm.
EC : 19 mm.
EHT : 13,5 mm.
Fond de boîte
Le fond de boîte diffère de celui de la réf. 11706, et pas seulement par la référence gravée à l’intérieur ! Côté externe, le profil évolue légèrement et les écritures sont plus éloignées du bord du méplat. Côté interne, les différents plans sont usinés autrement.

Cadrans : nouvelle géométrie
Le cadran constitue, à l’évidence, le changement le plus visible sur la réf. 26013. Alors que ses aînées, depuis 1959, se distinguaient par de larges index triangulaires et circulaires et des aiguilles dans la même veine, un vent de modernité emporte ces formes désuètes et l’ambiance Art Déco qui se dégageait de l’ensemble au profit de simples bâtons, plus dans l’air du temps.

Le résultat n’est d’ailleurs pas sans faire fortement songer aux confidentielles mais ô combien désirables Blancpain et Waltham Bathyscaphe :



Deux versions de cadrans se succèdent. La réf. 26013 se voit pourvue, dans un premier temps, de cadrans gilt à l’aspect laqué (ci-dessous, à gauche). Ceux-ci sont rares car elle ne tarde pas à recevoir des cadrans peints à la surface mate (ci-dessous, au centre).

Une troisième version, d’un beau gris soleillé (ci-dessus, à droite), circule également. C’est de loin la plus rare des trois !


L’examen des exemplaires visibles sur la Toile met en évidence deux détails qui permettent de distinguer facilement les cadrans gilt des cadrans peints. Le premier est le guichet de date : celui-ci est cerclé sur les cadrans gilt tandis qu’il est seulement souligné d’un filet blanc sur les cadrans peints. Le second est le positionnement de la mention SWISS MADE T (voir encadré ci-dessous).
Gilt ou pas gilt ?

Sur une version gilt, qu’on présume être la plus ancienne, la mention est appliquée exactement comme sur les cadrans à triangles inversés : le S de SWISS entre les minute 34 et 35 et le T flirte avec la minute 26. La version qu’on considérera donc comme postérieure et réservée aux cadrans mats, prend en compte la nouvelle forme de l’index à 6 heures : les écritures sont ramenées vers le centre. Le S se trouve entre les minutes 33 et 34 et le T se situe entre les minutes 26 et 27.
Détail pittoresque : en passant aux « Stick Indexes », Eberhard retenu un guichet de date rectangulaire (ci-dessous, à droite), cohérent avec le design du nouveau cadran, à la place du guichet trapézoïdal de la version précédente (ci-dessous, à gauche), mais ne s’est pas soucié de faire modifier les disques dateurs… Or les chiffres y étaient imprimés en perspective (plus grands vers l’extérieur) afin de suivre la forme de la fenêtre. Moralité, s’ils apparaissent de manière un peu comique sur votre Scafograf réf. 26013, vous n’avez ni besoin de lunettes ni d’arrêter de boire : c’est d’origine !


Changement d’aiguilles
L’aiguillage originel disparaît également au profit d’un jeu plus conventionnel, partagé d’ailleurs avec certains modèles de la marque Vetta (la Super Etanche 200 mètres et la 1000 mètres « Baby Panerai » et d’autres sans doute), d’aiguilles type « crayon » et d’une trotteuse où le cercle cède la place à un petit rectangle.

Reconduction du calibre 260-13
Eberhard maintient le calibre 260-13 et ses dérivés, utilisés déjà pour la réf. 11706.


Conclusion
Au total, elle gagne en modernité ce qu’elle perd en personnalité mais cela paye : la Scafograf 300 « Stick Indexes » réf. 26013 est une réussite commerciale et restera ainsi la version la plus emblématique.
Cette montre, longtemps boudée et assimilée à une sorte de « Seamaster 300 du pauvre », a trouvé le chemin de la gloire. Les raisons : le prestige historique de la marque Eberhard, la forte ressemblance avec la Seamaster 300, un grand diamètre (42,5 mm hors couronne), la réussite générale du design et, bien sûr, la rareté.

Bonus
La série des Scafograf se poursuit encore au tournant des années 1970 avec une Scafograf 400 et une Super Scafograf au design plus massif et ovoïde. Le boîtier, toujours confié à Huguenin Frères, utilise une bague vissée de fixation de la lunette et du verre, comme sur les Zenith Super Sub Sea 1000 m (réf. A3637) et surtout les Squale 101 Atmos.




En 1983, Eberhard introduit une version à quartz étanche à 1000 mètres, dotée d’une valve d’échappement He-Gas intégrée dans le fond du boîtier et d’une lunette amovible, comme la Scubapro de la même époque ainsi que la Breitling Super-Ocean Deep Sea réf. 81190.
Enfin, en 2016, la maison relance la Scafograf sous la réf. 41034 avec un modèle inspiré de la dernière version de Scafograf 300 (réf. 26013). Avec un boîtier de 43 mm et un calibre ETA 2824-2, déclinée depuis en version GMT.
Références
- Hodinkee.com : « An unquenchable Obsession for Eberhard », par Phil Toledano, mars 2017. [en] Un auteur déclare sa flamme à la marque Eberhard.
- Monochrome : « The Return of the Eberhard Scafograf 300 – Overview of an iconic dive watch », par Ilias Gianopoulos. [en] Retour historique sur la maison Eberhard et les Scafograf originelles pour introduire la réédition lancée en 2016.
- Taleda. [it] Un très bel exemplaire (vendu).
- Crédits photos : Fred Chrono, Goodoldkicks/Instagram, Watches of Knightsbridge, Sabiwatches/Instagram, Eberhardfan/Instagram.
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