La saga des Eberhard Scafograf

Quand on évoque la Scafograf, seuls quelques amateurs éclairés tendent l’oreille : c’est une affaire d’initié… La raison tient, comme souvent, à la notoriété encore faible de la marque, qui laisse cette plongeuse dans l’ombre des stars indétrônables que sont les Rolex Submariner et Omega Seamaster 300, sans même parler des Blancpain Fifty Fathoms. Et pourtant ! Avec les Scafograf, Eberhard intègre dès la fin des années 1950 le club encore très fermé des fabricants de montres de plongée de « haut niveau ».

Lorsque, à la fin des années 1950, la maison Eberhard & Co., réputée pour ses remarquables chronographes, entreprend de commercialiser d’autres montres « techniques », elle se concentre sur deux spécialités très en vogue à l’époque : la résistance aux champs magnétiques et la résistance à l’eau. Ainsi apparaissent l’Eberhard Scientigraf (réf. 11538) — concurrente des Rolex Milgauss, Omega Railmaster et Zenith S.58 — et la Scafograf (réf. 11535), étanche à 100 mètres et pionnière d’une gamme de montres de plongée à laquelle nous allons nous intéresser.

Composé à partir du mot grec ancien σκάφος (skáfos), qui signifie « barque » ou « bateau » et de l’extension -graf que l’on retrouvera plus tard chez d’autre marques (voir les Damas Marinograf, ou encore les Yema Yachtingraf), le nom Scafograf affiche ainsi d’emblée la vocation marine de la montre.

À travers les focus détaillés réalisés pour chaque modèle et la synthèse proposée ci-dessous, on verra que la Scafograf a connu, de ses débuts confidentiels jusqu’à la fin des années 1960 — et même au-delà avec la Scafograf 400 et la Super Scafograf, jusqu’aujourd’hui avec une gamme complète de montres de plongée contemporaines — une trajectoire encore trop méconnue.

Le boîtier

La Carrure

La carrure de l’Eberhard Scafograf connaît deux évolutions notables en début de période.

EBERHARD Scafograf : typologie des carrures par référence

Le premier changement marque le passage de la Scafograf 100 (réf. 11535) à la Scafograf 200 (réf. 11536) : la carrure prend de l’épaisseur et se voit dotée d’une lunette mobile à friction. De montre de plongée « première génération », la Scafograf passe aux normes des montres professionnelles établies par les grandes marques pionnières sur ce marché.

La seconde mutation importante intervient sur la Scafograf 200/300 avec l’adoption, sur les réf. 11545, 11706 et 126011, d’une carrure plus épaisse encore, débordant largement sur les flancs. A trois heures, la couronne est réduite en épaisseur et logée dans une encoche. Ainsi protégée, elle ne risque pas d’être manipulée par erreur et encore moins cassée. Les cornes, dites « lyre », c’est-à-dire marquées par un mouvement de torsion, suscitent souvent la question de savoir si ce boîtier ne serait pas le même que celui des Omega Seamaster 300 de la même époque. (Pour ceux que cela intéresserait, nous y avons répondu ici.)

La troisième évolution, relativement mineure, accompagne la refonte de la Scafograf 300 et le passage à la réf. 26013 : à cette occasion, la lunette adopte un crantage interne qui vient faire cliquer une bille incorporée à la carrure. Cette modification a pour fonction d’éviter — du moins de limiter — le risque de voir la lunette déréglée involontairement en cours de plongée.

Le fond de boîte

Vissé, le fond de boîte comporte six encoches et porte sur son plat central la splendide gravure d’un hippocampe stylisé, symbole qui restera attaché à la gamme Scafograf jusqu’aux années 1970. Les écritures confirment la garantie d’étanchéité et rappellent que le mouvement est à remontage automatique. L’intérieur du couvercle, signé, indique la référence, généralement pourvue d’une extension qui constitue probablement un numéro de sous-référence ou bien un lot de production.

Le cadran

Le cadran est, à coup sûr, un élément essentiel dans l’identité et la personnalité des Eberhard Scafograf. Les variations d’inscriptions mises à part, trois grandes versions de cadrans se succèdent : les deux premières combinent des points et des triangles, la troisième adopte des index à bâtons.

EBERHARD Scafograf : typologie des cadrans.

Sous ces trois grandes versions, des variantes existent :

Pour les réf. 11535, 11536 et 11545, on distingue aisément des cadrans « plats » et des cadrans en relief.

On détecte également des détails d’écritures variables, sur lesquels nous revenons dans les focus consacrés aux différentes références.

À compter de la réf. 11706, les cadrans en relief sont généralisés, tandis que s’ouvre à trois heures une fenêtre trapézoïdale permettant de consulter la date.

Pour la réf. 26013, les changement le plus marquant est le passage des index emboutis en triangles et cercles à des index appliqués de type « bâtons », bien dans veine de la seconde moitié des années 1960. Par ailleurs, si les premiers cadrans sont toujours à écritures gilt, les cadrans mats à écritures peintes prendront vite la place… Cette référence connaît enfin la primeur d’une rare version à cadran argenté. Là encore, rendez-vous sur l’article consacré à cette référence pour plus de précisions.

Les aiguilles

Les premières générations — les 11535, 11536, 11545 et 11706 — sont pourvues d’une superbe combinaison d’aiguilles gilt dont les éléments les plus remarquables sont celle des heures, en forme de flèche, et celle des secondes, dite lollipop.

Les mouvements

Calibre 11500

Le calibre Eberhard 11500 est un mouvement automatique issu du Felsa 1560 (11,5 lignes, 18000 A/h, 43 heures de réserve de marche) assorti de quelques modifications.

Notons en premier lieu la très belle finition du mouvement et notamment le motif à cercles concentriques appliqué sur la masse oscillante. Spécifique également, et signée du logo Eberhard, la raquette est affublée dans certains cas d’un dispositif de réglage précis, breveté sous le nom Incastar (un joli fil de discussion sur FAM  renseignera le lecteur curieux d’en savoir plus).

On soulignera enfin que le mouvement 11500 se rencontre en version 25 et 27 rubis). Dans les exemples représentés ci-dessous, on trouve, à gauche, une version à 25 rubis dotée du régulateur Incastar et, à droite, une version à 27 rubis et régulateur classique.

Note au lecteur : si un spécialiste de mécanique passant par ici dispose de précisions sur ces dispositifs de régulation, sa contribution sera appréciée 😉

Calibre 260-13 et ses dérivés

Avec le passage à la réf. 11706, la Scafograf inclut désormais l’affichage de la date. Ce changement s’accompagne également de l’abandon des mouvements Felsa au profit d’une mécanique d’origine Ebel, le calibre 214, dérivé lui-même du mouvement A. Schild 1687/1688 à remontage manuel. Le module de remontage automatique fait l’objet d’un développement conjoint, au tout début des années 1960, avec Doxa1, Favre-Leuba, Girard-Perregaux (cal. 32 GP) et Zodiac. Chez Eberhard, il aboutit au calibre 260-13.

On notera qu’il se rencontre également de nombreux exemplaires de Scafograf 300 abritant des dérivés de ce mouvement : calibres 250-123, 251-123 (ici) ou 266-123 (ici et ) et 266-123A. D’après nos observations, ces mécaniques ont aussi équipé d’autres modèles Eberhard, contemporains ou postérieurs, et tous n’ont peut-être pas été montés d’origine sur les Scafograf 300. Difficile cependant d’émettre des conclusions fermes sur ce point.

Le bracelet

Les Scafograf sont livrées avec un très beau bracelet en acier à boucle déployante signée et datée. La partie centrale des maillons rectangulaires est brossée tandis que les extrémités sont polies. S’il y font fortement songer à première vue, les bracelets Eberhard diffèrent des bracelets Omega par la rainure longitudinale qui allège les maillons centraux et par le fait qu’ils sont élastiques sur toute leur longueur.

Pour les réf. 11536, 11545, 11706 et 26013), les pièces de bout, non numérotées, font 19,21 mm de large et la boucle signée est un peu plus longue.

On trouvera encore ce bracelet sur les versions ultérieures (Scafograf 400) avec des pièces de bout spécifiques.

EBERHARD Scafograf 400 : pièce de bout

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1. La collaboration avec Doxa va d’ailleurs plus loin puisque la Scafograf 300 ref. 26013 trouve même une sœur jumelle en la première Doxa Sharkhunter. Voir l’article que nous y avons consacré.

La saga des Eberhard Scafograf

Au-delà des typologies proposées dans cet article récapitulatif, vous trouverez un focus détaillé sur chacune des cinq principales références qui ont marqué l’histoire de cette gamme de montres de plongée.

2 commentaires sur « La saga des Eberhard Scafograf »

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