Eterna réf. 154 FTP : une synthèse réussie

J’en connais au moins un qui s’est interrogé lorsque j’ai fait l’acquisition de ce chronographe Eterna. « Qu’est-ce qui t’a pris d’acheter ce gros machin ? » Un « gros machin » bien inspiré, mû  par un noble Valjoux 726 et qui, au poignet, révèle une présence incroyable.

La marque Eterna, fondée à Granges en 1856, fut à l’origine de la manufacture d’ébauches ETA (1932) et de l’invention (1946) du rotor sur roulement à bille baptisé Eterna-Matic. On doit aussi à cette maison, toujours en activité dans le giron de Corum, les mémorables modèles de la gamme Kon Tiki, et notamment la réf. 130 FTP/3, passée en revue ici-même.

ETERNA Super-KonTiki, type 3
ETERNA Super KonTiki, type 3.

Mais Eterna a également commis des montres militaires (dont une des fameuses WWW Dirty Dozen) ainsi que de très intéressants chronographes.

 

Parmi ceux-là, le 154 FTP, lancée un peu avant 1970, requiert votre attention aujourd’hui.

ETERNA

Voilà une montre à côté de laquelle je suis passé pendant bien longtemps. D’abord globalement indifférent — si ce n’est hostile — aux boîtiers « tonneau », j’avais ensuite craqué pour une Autavia 11630V, ces Heuer Autavia des années fin 1960-1970 représentant l’archétype du genre. J’ai apprécié cette boîte massive, comme j’ai apprécié, avec leurs propres proportions, les grands chronographes Seamaster de la même époque. M’étant malheureusement séparé de l’une et des autres, j’ai éprouvé le besoin de combler le vide et l’occasion s’est présentée de faire entrer cette Eterna dans la collection dans le cadre d’un échange. L’état quasi-NOS, la belle facture et le Valjoux m’ont décidé à tenter l’expérience.

Surprise à l’arrivée

Alléché de loin par les « prestations » de la bête, je fus surtout saisi à l’ouverture du colis, et plus encore quand vint, quelques instants plus tard, le moment du premier passage au poignet.

Le boîtier, tout d’abord, impose sa masse (41 mm de diamètre hors couronne) et son éclat, bien à l’image des Autavia évoquées plus haut, avec lesquelles les similitudes sont plus que troublantes : les proportions générales, le brossage « soleillé », les chanfreins et les flancs polis… avec un résultat tout aussi flatteur.

ETERNA

Cette similitude ne s’arrête d’ailleurs pas là puisque l’Eterna 154 FTP fut lancée la même année que la troisième génération d’Autavia, en 1969. Resterait à vérifier — ce que je n’ai pu faire — s’il ne s’agit pas effectivement d’une des versions du boîtier Autavia.

Les boîtiers 1163 et 11630

Les Heuer Autavia 1163 et 11630 se distinguent entre autres par la forme du boîtier et du fond de boîte. Le boîtier 1163 présente, comme sur l’Eterna, des encoches caractéristiques au niveau des poussoirs, visibles de la face avant (boîtier de droite sur la photo ci-dessous) tandis que, sur le boîtier 11630, les poussoirs sont totalement intégrés au flanc (boîtier de gauche).

HEUER Autavia 1163 - Comparaison des boîtiers

En savoir plus : Heuerautavia.com

Ensuite, la lunette bordeaux, originalité partagée avec la Wittnauer Professional 7004A, transporte immédiatement dans un univers distinct des Heuer. On se sait ailleurs, instinctivement, que l’on soit en présence de la version plongée (graduée sur 60) ou de la version tachymétrique (notons, au passage, que si l’intérêt d’une lunette tachymétrique sur un chronographe est démontré en soi, le fait qu’elle soit rotative s’avère parfaitement superflu, pour ne pas dire absurde…).

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C’est dans cette petite audace chromatique que se trouve, en définitive, l’élément véritablement propre de personnalité de cette montre.

En effet, si l’on se concentre désormais sur le cadran, on songe sans tergiverser à la Fortis Marinemaster 8001, en particulier dans sa livrée bleue, magnifiquement exposée sur le blog Heuerville (pour une revue de sa version jaune, voir plutôt FratelloWatches).

Les ressemblances sont encore frappantes, en particulier dans le traitement, quasi-identique, des deux compteurs latéraux. Le totalisateur de minutes est, dans les deux cas, divisé en portions de cinq minutes alternativement bleues et noires, correspondant au compte à rebours des départs de régate.

Pour en savoir plus : Les montres de régate : toujours en vogue…

L’Eterna se démarque toutefois par l’utilisation d’index appliqués et le recours à un fond de cadran gris taupe légèrement satiné du plus bel effet. Enfin, notre 154 FTP détient l’antériorité puisque le chronographe Fortis date de 1972…

ETERNA

Quant aux aiguilles, elles ont une forme droite des plus classiques pour l’époque. Les trois grandes sont chacune marquées d’un insert de tritium. Dans les sous-compteurs, ne vous étonnez pas, seule l’aiguille du totalisateur horaire est bleuie… Autre confirmation, pour ceux qui s’interrogent sur les dimensions incongrues de la couronne, celle-ci est bien également d’origine.

Mouvement Valjoux 72 amélioré

À l’intérieur, c’est donc un calibre Valjoux 726 qui anime la bête. Référencé 1491 dans la nomenclature Eterna, c’est une évolution du Valjoux 72 avec une roue de balancier réduite qui le fait battre à 21 000 A/h au lieu de 19 600 pour le R72. Plus rare, il a été fabriqué à 47 400 exemplaires contre plus de 260 000 exemplaires de son aîné. On le trouve sur une version du chronographe Girard-Perregaux Olympico, quelques Longines et autres petites séries de chronographes des années 1970 (Technos, Sinn, Certina).

Conclusion

À l’expérience, le « gros machin » s’avère donc être un chronographe spectaculaire, synthèse réussie d’une Heuer Autavia (qui ne propose pas de Valjoux 72 dans la configuration 1163/0) et d’une Fortis Marinemaster à la personnalité moins affirmée. Cette 154 FTP était vendu 415 francs suisses en 1969. Rare, elle n’a pas encore reçu la reconnaissance qu’elle mérite et qui, plus largement, devrait rejaillir sur Eterna, une belle marque horlogère encore dans l’ombre des plus grandes.

 

Références
  • Eterna-fanatic.com. [En] Honneur au fanatique, avec une page consacrée au modèle sur ce site 100% Eterna.
  • Heuerworld. Comme d’habitude sur le site de Paul Gavin  : une galerie de photos exceptionnelles d’un exemplaire parfait, qui plus est équipé de son bracelet d’origine.
  • The Watch Spot Blog. Révision d’un Eterna 154 FTP, avec un joli focus sur son mouvement Valjoux 726.
  • Crédits photos : Heuerautavia.com (boîtiers 1163 et 11630), Getthewatches (154 FTP à lunette tachymétrique), Heuerville (Fortis Marinemaster), Fred Chrono/Chronographes.net.

 

2 commentaires sur « Eterna réf. 154 FTP : une synthèse réussie »

  1. Effectivement Eterna une marque trop souvent sous le radar ,et pourtant qui est originale et très intéressante sous l’aspect technique,mouvements et design

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