Avant d’être cette substance qui, de la vanille au caramel en passant par la pistache, adopte les nuances les plus gourmandes en vieillissant sur les cadrans et les aiguilles de nos montres préférées, le tritium est le matériau luminescent qui succéda au radium pour assurer la lisibilité des garde-temps dans l’obscurité. Avec encore quelques nuances, signalétiques cette fois.
L’utilisation de matière radio-luminescente pour améliorer la lisibilité des montres et autres instruments de navigation remonte au début du vingtième siècle. Le premier à avoir développé une technique d’application de telles substances sur les index et les aiguilles de ses montres est Guido Panerai, en 1915. Utilisant alors le radium, il ne se doute probablement pas des ravages que ce produit très radioactif allait causer dans les rangs des « petites mains » chargées de l’appliquer, au pinceau, pièce par pièce. À l’époque, le radium est même promu comme… bénéfique pour la santé ! Le désastre prend pourtant des proportions terribles aux États-Unis avec l’affaire tristement fameuse des Radium Girls.
La peinture au radium reste pourtant massivement utilisée jusqu’au début des années 1960, dans l’horlogerie comme dans d’autres domaines, et ce n’est qu’à cette époque que la conscience de sa dangerosité est suffisamment partagée pour motiver son abandon progressif et sa très stricte réglementation, décidée en 1963, au profit du prometheum (symbole : 147Pm) et surtout du tritium (symbole : T ou 3H), au rayonnement beaucoup plus limité.
Le tritium (abrégé T ou 3H) est un isotope radioactif de l’hydrogène avec une masse atomique de 3 (son noyau compte deux neutrons et un proton) et une période de 12,3 ans (le temps au bout duquel la moitié de ses atomes se seront désintégrés). Il est produit dans la nature par l’effet du rayonnement cosmique sur les composants de l’air. Il fait aussi partie de rejets des centrales nucléaires.
Cet élément instable émet un rayonnement de particules beta (un électron). Il est de très faible portée (quelques millimètres dans l’air, quelques micromètres dans l’eau et les tissus). Le rayonnement est arrêté par une feuille de papier de soie.
Contrairement à ce qu’on croit trop souvent, ce n’est pas le tritium qui est luminescent, ni cette matière qui est appliquée telle qu’elle en horlogerie ! Le tritium, qui est un gaz à l’origine mais se combine spontanément à l’oxygène pour donner de l’eau tritiée, est encapsulé dans des polymères contenant également des pigments luminescents que le tritium active.Source : Monyco.ch.
L’utilisation de ces nouvelles substances est elle aussi très contrôlée et soumise à une norme (ISO 3157, publiée en 1975 et révisée en 1991) qui fixe, entre autres, les limites de rayonnement autorisé et les indications à porter à la connaissance des utilisateurs. Au minimum, la présence de tritium est ainsi signalée par la lettre T et celle de prometheum, par les lettres Pm.
Cependant, à l’occasion de vos pérégrinations horlogères, vous avez probablement constaté qu’il existait d’autres types d’inscriptions : T SWISS MADE T ou SWISS MADE T<25 ou encore SWISS MADE T25. Chacun de ces marquages indique dans quelle fourchette se trouve la charge radioactive, exprimée en millicurie (mCi) ou en mégabecquerel (MBq).
INDICATION | MONTRE SUISSE CONTENANT UNE QUANTITÉ DE TRITIUM ÉMETTANT… |
T SWISS MADE T | … moins de 7,5 mCi (277 MBq). |
SWISS MADE T<25 | … moins de 25 mCi (925 MBq). |
T | … une certaine quantité de rayonnement. |
Sur certains modèles, la présence de tel marquage ou tel autre permet de faciliter la datation. À titre d’exemple, une des multiples versions du Nivada Chronomaster Aviator Sea Diver, produit au moment de la transition du radium au tritium existe avec plusieurs types de marquages.
Divertissante pour ces chronographes attachants, cette variété de marquages peut avoir un impact non négligeable sur la cote d’une Rolex Submariner des années 1960…
Marquages 3H ou H3
Si la mention T SWISS MADE T est de loin la plus courante, l’utilisation du tritium a parfois été signalée par les symboles 3H ou H3, qui renvoient à sa structure élémentaire (deux neutrons, un proton). On trouve le symbole 3H, par exemple, sur les montres militaires allemandes dans les années 1970, telles que les chronographes Heuer Bund ou les Blancpain Fifty Fathoms.

En savoir plus : Heuer Bundeswehr, réf. 1550 SG

Sous la forme H3, on le trouve sur les montres militaires nord-américaines des années 1980-1990, telles que Adanac et Marathon Navigator. Sur ces dernières, le tritium est confiné à l’état gazeux dans de petites capsules :


En savoir plus : Marathon Navigator réf. 211, dite « Gulf War ».
La fin du tritium
Aujourd’hui, le tritium n’est plus utilisé que sous cette forme gazeuse sur ces Marathon et quelques autres montres d’esprit ou à usage militaire telles que Ball, KHS ou Traser. (merci à Sébastien Billard pour la précision). Il a été remplacé par le LumiNova — pâte composée de minuscules ampoules de tritium sans avoir recours aux sels de radium — puis par le Super LumiNova, mis au point au Japon à partir de 1993. Constitué à partir d’aluminate de strontium non radioactif et non toxique, ce type de pâte est encore plus brillant que la précédente génération.
Performance et sécurité assurés, en somme. Mais pour les nuances vanille ou caramel, en revanche, mieux vaut désormais prévoir les pigments à la fabrication qu’espérer l’effet magique du temps…
Bonjour, le tritium gazeux reste bien utilisé aujourd’hui dans certaines montres. Des marques telles que Traser, Marathon, KHS, BALL l’utilisent.
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Bonjour,
Merci pour cette précision, qui me permet de compléter l’article à propos des Marathon et de leurs copines… 🙂
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