Commandé en 1967 par l’armée de l’Air de la République fédérale allemande (Bundeswehr), le chronographe 1550 SG figure parmi les garde-temps militaires les plus spectaculaires des cinquante dernières années.
Au fil de l’histoire et des changements de régime, la réputation de rigueur et de qualité d’équipement de l’armée allemande n’a jamais été démentie. J’avais passé en revue les remarquables chronographes Hanhart qui équipent les aviateurs de la Reichswehr dans les années 1940-1950. À la fin des années 1960 et tout au long des années 1970, leurs successeurs reçoivent en dotation de nouveaux instruments : des chronographes à deux compteurs et retour en vol commandés à la maison Heuer-Leonidas et produits sous la référence 1550 SG.
Ces chronographes sont très proches de ceux fournis, à la même époque et toujours par Heuer-Leonidas, à l’armée de l’Air italienne. Ils succèdent aussi directement aux chronographes fournis aux Italiens par Leonidas juste avant la fusion avec Heuer, lesquels se distinguent notamment par un boîtier poli et plus anguleux.
Leonidas CP-1 et CP-2
Le tout premier du genre est le Leonidas CP-1, fourni à l’armée de l’Air italienne au milieu des années 1960. Il se caractérise par un diamètre bien plus modeste (« seulement » 38 mm hors couronne, contre 43 mm pour le CP-2), ainsi que par sa grande rareté. Animé par un calibre Valjoux 222, il offre naturellement, comme ses homologues français produits par la maison Dodane, la fonction « retour en vol ».
Pour en savoir plus sur les chronographes de l’armée italienne, Joël Laplace a publié récemment une bonne synthèse sur Watchonista.com [fr].
Au programme de la 1550 SG, un impressionnant boîtier de 42 mm de diamètre (hors couronne) aux surfaces satinées et aux lignes étonnamment douces, coiffé d’une large lunette mobile à friction, graduée en minutes. L’ensemble se révèle étonnamment « portable » malgré le diamètre important, le secret tenant, à mon sens, de deux facteurs. Le premier est que le rapport entre la largeur de la lunette et le diamètre du cadran est tout simplement parfait ; résultat, l’engin de paraît pas, en soi, surdimensionné. Le second est que les anses, assez courtes et idéalement incurvées, épousent merveilleusement le poignet, y compris si l’individu est fluet.
LHC : 42 mm. LCC : nd. LHT : nd. EC : 20 mm. EHT : 13 mm.
De ce fait, la 1550 SG s’avère finalement plus seyante avec un bracelet classique ou un G10 qu’avec le bracelet de dotation et sa pièce de cuir destinée à protéger le poignet du pilote des températures extrêmes que pourrait transmettre le fond de boîte en altitude…
La cadran, conforme aux standards des chronographes de pilotes, s’avère extrêmement lisible, les chiffres des heures lumineux et les aiguilles lumineuses et peintes en blanc se détachant nettement, même par faible éclairage tandis que la lunette traitée en PVD et graduée en minutes, bénéficie de sa largeur, qui la rend à la fois très lisible et facilement maniable.
La couronne et les poussoirs, grâce à leur longues tiges, sont eux aussi facilement accessibles. À l’évidence, ces éléments ont été pensés pour être manipulés avec des gants, l’ensemble dégageant en outre une forte impression de robustesse.
Le fond de boîte, maintenu au moyen de quatre vis situées eu démarrage des cornes (qui maintiennent aussi la lunette et le verre en plexi, est gravé de l’inscription BUNDESWEHR, suivie du numéro d’inventaire (NNO) : 6645-12-146-3774. Cette référence est parfois barrée et remplacée par un nouveau NNO (6645-12-340-9456) résultant d’une réindexation.
Comment le NNO est-il composé ?
Les quatre premiers chiffres (ici : 6645) correspondent au code OTAN de classification des approvisionnements et relient l’article de ravitaillement au groupe et à la classe d’articles de ravitaillement similaires. Les deux chiffres suivants indiquent le BNC qui attribue le NNO (ici, le 12 désigne l’Allemagne). Les sept derniers chiffres sont attribués par informatique pour constituer un identifiant unique de l’article de ravitaillement. « En pratique, cela signifie que le logisticien ou un autre utilisateur de données ne doit tirer aucune conclusion d’une apparente progression des numéros de série », précise Jean-Michel. Ce dernier précise enfin : Ces sept chiffres sont attribués à un article de ravitaillement dans la base de données de codification du pays d’origine ; ils peuvent être reproduits dans le fichier général des identifications (FGI) de tout autre pays utilisateur du SOC. Pour faciliter la lecture des données des NNO, il est courant d’insérer un tiret à certains endroits « stratégiques » du NNO (exemple : 1005-13-123-4567). »
Source : Forum-mdp.com.
Enfin, caché entre les cornes, on trouve la référence du modèle (1550 SG) à six heures et les quatre chiffres du numéro de série à douze heures.
Le chronographe s’appuie sur une mécanique éprouvée : le valeureux Valjoux 230, mouvement mécanique à remontage manuel affichant deux compteurs et doté de la fonction « retour en vol » permettant de remettre à zéro le décompte et le faire repartir dans la foulée d’une seule et simple pression sur le poussoir supérieur. On trouve également, sous l’épaisse carcasse, des Valjoux 22 ou 222, selon l’époque et les mouvements disponibles chez les horlogers chargés de la maintenance.
Cette dernière, d’ailleurs se trouve grandement facilitée par le boîtier, dont la conception permet le chargement du mouvement par l’avant.
Variantes multiples
Sur le site Brown-snout.com, l’auteur Walter Manning a entrepris un remarquable travail de documentation des variations de cadrans. Cette étude a permis d’établir la typologie suivante, sous logo HEUER :
3H/T | 3H-only | T-only | Clean | Sternzeit |
---|---|---|---|---|
Symbole 3H sous le centre du cadran. Petit T juste au-dessus du 6. | Symbole 3H sous le centre du cadran. | Petit T juste au-dessus du 6.
Il semble que ces cadrans correspondent aux premières versions. |
Pas d’inscription autre que le logo HEUER.
Il est vraisemblable que cette variante corresponde à des cadrans refaits sans tritium. |
Inscription STERNZEIT REGULIERT sous le centre du cadran.
Cette version est incontestablement la plus rare des 1550 SG mis en service. |
Pour mémoire, le symbole « 3H » désigne le tritium, qui est un des isotopes de l’hydrogène, comme le protium (1H) et le deutérium (2H). Le tritium pouvant être également symbolisé par la lettre T, les deux symboles sont donc redondants sur un même cadran…
Par ailleurs, le logo HEUER existe en deux tailles différentes (le petit tient en largeur entre les index 58 et 02, le grand les dépasse) et les configurations « 3H-only » et « Clean » existent également avec le logo Sinn (voir plus bas).
L’exemplaire passé ici en revue est de type « T-only », lequel désigne donc le cadran d’origine des premiers exemplaires :
À ces configurations de base s’ajoutent plusieurs facteurs de variation. Le premier concerne le graphisme du logo 3H :
3H « standard » | 3H « grandes lettres » | 3H « petites lettres » | 3H « petit cercle » |
---|---|---|---|
… | Le cercle est de la taille « standard » mais les lettres sont plus grandes. | Le cercle est de la taille « standard » mais les lettres sont plus petites. | Le cercle est plus petit que la taille « standard ». |
Enfin, les chiffres marquant les heures sont connus avec deux graphismes différents :
Standard | Coupé |
---|---|
Aucun nombre n’est coupé. | Les nombres 2, 8 et 10 sont coupés par les sous-compteurs. |
La combinaison de tous ces paramètres fait ressortir entre vingt et trente de variantes, sans qu’il soit possible de trouver une logique globale ni de reconstituer une chronologie certaine. Derrière ce maquis se cache à la fois la fantaisie des horlogers chargés de la maintenance des instruments et, malheureusement aussi parfois, l’œuvre de margoulins désireux d’accroître la valeur marchande d’un exemplaire en appliquant quelques subtiles coups de peinture là où il faut.
La plus rare : version STERNZEIT REGULIERT
La référence 1551 SGSZ est celle qui présente, sur le cadran, l’inscription « STERNZEIT REGULIERT », laquelle signifie que la montre est réglée à l’heure sidérale. Quézaco ? Pour faire simple, il s’agit d’une norme spécifique de mesure du temps, l’heure sidérale étant quatre minutes plus lente que l’heure « normale » (solaire). Celle-ci est utilisée dans les opérations de triangulation. Dans ses applications militaires, elles est utile aux unités d’artillerie pour se positionner à l’aide d’un théodolite. De ce fait, les chronographes STERNZEIT REGULIERT sont des instruments non pas de navigation mais bien plutôt de topographie…
Le rôle de Sinn
C’est à la société éponyme fondée par Helmut Sinn qu’est confié l’entretien des chronographes dans les années 1980. Comme toujours en pareil cas, tant l’armée que ses horlogers se soucient davantage du maintien en état fonctionnel de ces montres que de la préservation des pièces d’origine. De là résulte le fait que, d’une part, on trouve un grand nombre de 1550 SG dans un état de conservation peu cohérent avec l’usage intensif et sans doute parfois rude auquel ces montres furent exposées et, d’autre part, que les exemplaires en état réellement d’origine s’avèrent extrêmement rares.
L’intervention de Sinn explique également que des exemplaires de ces chronographes aient été écoulés sous le logo de cette société horlogère allemande.
Versions norvégienne et yougoslave
L’armée de l’Air allemande ne fut pas la seule à bénéficier de ce formidable engin. Ce fut également le cas de leurs homologues norvégiens, auxquels quelques dizaines à peine de 1550 SG furent affectées avec un fond spécifique portant la mention LUFTFORSVARET :

On en trouve, de même, chez les aviateurs yougoslaves (RV i PVO), à la même époque, comme en témoigne cet exemplaire :
Conclusion
Au bout du compte, la 1550 SG apparaît bien comme l’un des plus spectaculaires chronographes militaires des dernières décennies (avec sans doute les Zenith Cairelli de nos amis Italiens). Avouons-le : les Dodane de l’armée de l’Air française et les Hamilton de la Royal Air Force, qui ne manquent ni de charme ni de qualités, tant pour un pilote que pour un collectionneur, peinent tout de même à tenir la comparaison face à cet engin de qualité remarquable et d’une saisissante modernité. Si ce n’était que cela, le fameux « modèle allemand », nul doute que nous l’aurions adopté depuis longtemps !
Références
- Brown-snout.com : « A pictoral review of the Heuer Bundeswehr chronograph and it’s many dial variations ». [En] Une véritable page de référence, où vous trouverez les multiples variations de cadrans connues.
- TheWatchSpotBlog. [en] Un post de référence.
- FAM. [Fr] Intéressant fil de discussion sur la Bund, « nom-de-code-6645-12-146-3774 »
- Roverhaven.com. [en] Très bon article à propos du chronographe 1550 SG et de sa version marquée Sinn.
- Fratello Watches : « Leonidas Military & Heuer Bund Chronographs ». [en] Dans cet article, Michael Stockton compare quatre modèles réunis exceptionnellement entre ses mains grâce à Fred Mandelbaum : le chronographe Leonidas, le 1550 SG 3H, le 1550 « T-only » et le rarissime 1550 SGSZ (Sternzeit).
- Woundforlife.com : « Hall of Fame : Heuer Bundeswehr Flyback Chronograph ». [en]
- Heuer : manuel d’entretien du chronographe 1550 SG (pdf). [de]
- Omegaforums.com. [en] Discussion à propos de la version norvégienne.
- Crédit photo : Mailollo/Instagram (Leonidas CP-2 et Heuer Bund 3H/T), Fred Chrono.
Super revue, juste un petit commentaire relatif au numéro de série entre les cornes, à l’opposé du marquage 1550 SG.
Ce numéro n »est pas nécessairement à 4 chiffres, si’il s’agit du premier millier d’exemplaires produits. Le mien porte un numéro inférieur à 500, avec un cadran T only comme celui présenté.
On voit aussi beaucoup d’exemplaires avec des numéros à 6 chiffres dont le premier chiffre est 3. Ce sont le plus souvent des exemplaires entièrement reconditionnés,
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Merci beaucoup pour ta lecture attentive et ces précisions, que je vais me permettre d’intégrer à l’article si tu n’y vois pas d’inconvénient !
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bonsoir j ai la meme montre que la heuer mais de marque exacta calibre 22 introuvable sur google si une personne a une imformation merci cordialement
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Intéressant ! Je n’ai jamais entendu parler de cette version jusqu’à maintenant. Auriez-vous une photo ?
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Bonsoir avec avec plaisir si vous voulez bien me donner une adresse mail moi c est antikpassion@gmail.com
merci
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