La troisième génération de ZRC est en réalité une évolution de la série 2, que l’on appelle néanmoins série 3. Est-elle moins rare ? Pas sûr, tout spécialement en bon état, mais elle est moins recherchée par les collectionneurs, qui déplorent sans doute son caractère moins spectaculaire que sa devancière. Elle est pourtant bien loin d’être dénuée d’intérêt.
La raison qui a poussé ZRC à faire évoluer sa Grands-Fonds 300 m n’est pas précisément identifiée. Y a-t-il eu de nouvelles spécifications émises par la Marine nationale ? Un besoin de mise au goût du jour a-t-il été remonté par la direction commerciale ? Une chose est sûre : la Série 3 ne présente guère d’évolutions techniques majeures par rapport à sa devancière. On y retrouve le même boîtier hexagonal et sa couronne à six heures, le fond à quatre longues encoches, le bracelet acier à lames élastiques et le mouvement automatique ETA.


De là à dire qu’il n’y aurait rien à dire, il y a un pas que nous ne franchirons pas car, pour autant, quelques évolutions sont à mentionner impérativement.
Quelques évolutions
Couronne fendue
La couronne, toujours vissée en sens contra-horaire, est désormais fendue en son centre. Cette encoche a été ajoutée à la demande des plongeurs de la Marine nationale pour permettre de serrer et desserrer plus facilement la couronne à l’aide d’un… tournevis. Rustique mais efficace.

Bracelets variés
Les militaires réclament également un mode de fixation au poignet plus souple encore que le bracelet extensible, ce qui conduit ZRC à concevoir des pièces d’attache spécifiques reliant le boîtier à midi et l’anse articulée à six heures à des bracelets perlon (nylon tressé), NATO ou Velcro cousus et collés. On en trouve de différentes sortes, certaines n’étant pas nécessairement d’origine ZRC mais plutôt le fruit de fabrications artisanales locales.

L’anse elle-même est également différente : quand celle de la Série 2 présente une forme crantée (ci-dessous, à gauche), celle de la Série 3 est arrondie (ci-dessous, à droite).


L’insert de lunette passe au métal
La lunette crantée troque son insert en acrylique farci de points lumineux contre un insert en alliage avec un large triangle au tritium. Perdues ou détériorées (elles étaient finalement aussi fragiles que les précédentes), ces lunettes ont souvent été remplacées, fautes de pièces d’origine disponibles sous la main, par des lunettes de la ZRC Spatiale (voir plus bas), légèrement incurvées et peintes en rouge sur le premier quart de cercle (ci-dessous, à gauche), voire par des lunettes de fabrication « artisanale » militaire (ci-dessous, à droite).


Des inserts de lunettes adaptés à la Série 3 furent réédités il y a quelques années. Ils se distinguent par des traits plus épais et un graphisme des chiffres différent.

Histoire de trou…
Certains heureux possesseurs d’une ZRC série 2 ou 3 observeront que la tranche cannelée de leur lunette est, à un endroit, percée d’un petit trou de moins d’un millimètre de diamètre.

Claude Tauveron en a récemment livré l’explication : comme souvent sur les montres de plongée — du moins celles qui plongent vraiment ! — la rotation de la lunette des ZRC avait tendance à se bloquer à mesure que cristallisait le sel de mer resté prisonnier. Les plongeurs qui en eurent l’occasion s’en émurent auprès de l’horloger toulonnais de la Marine, le fameux Yves Pastre. Ce dernier songea alors à percer ce petit trou à travers la lunette des exemplaires passant entre ses mains afin d’assurer la circulation de l’eau et l’évacuation du sel à l’occasion du rinçage de la montre. Ce dispositif aussi simple qu’ingénieux sera, quelques décennies plus tard, breveté par Georges Brunet et promu aujourd’hui sous l’appellation plus pompeuse d’Easy Clean System (ECS).
Le dessin du cadran évolue également, ainsi que les aiguilles : adieu les gros chiffres et les larges « magnum », bonjour les points et les crayons, plus classiques.


Au moins deux versions de cadrans sont identifiées à ce jour (ci-dessous). Entre les deux, les points lumineux ont perdu du volume tandis le logo en a pris un peu. Il semble que le cadran type 1 soit plutôt l’apanage des Série 3 affectées à la Marine nationale mais rien ne dit, à ce stade, qu’il leur ait été exclusivement réservé et, inversement, il n’est pas certain non plus que les Série 3 « MN » n’aient connu que celui-là.


Certains exemplaires ont connu, comme pour les Série 2, un vieillissement spectaculaire du cadran (tropicalisation). Celle-ci est, dans le genre, absolument incroyable :
Dans les Grands-Fonds et au-delà
ZRC Spatiale
La production de la Grands-Fonds 300 m se poursuit jusqu’à l’orée des années 1970 et se terminera dans la cohabitation avec une montre dont émane un léger parfum de décadence : la ZRC 300 m Spatiale.

Design outrancier, mouvement datographe mais qualités techniques en régression… l’engin paraît plus taillé pour la frime que pour la performance et si le modèle est extrêmement rare, il ne passionne pas autant les collectionneurs, si ce n’est pour le stock de lunettes, qui a dépanné plus d’un propriétaire de Grands-Fonds !












Zeder
Enfin, sous la marque Zeder, ZRC commercialise un dernier avatar, sans doute à la fois le plus méconnu et le plus rare. Selon Jérôme Guesdon, ce modèle daterait de la fin des années 1980. Il utilise visiblement des organes génériques, à commencer par un très efficace boîtier Monnin (ce boîtier MRP SA inauguré dans les années 1970 avec, notamment, les premières Heuer 844) et se rencontre en version automatique ou quartz.



Ici, un exemplaire doté du mouvement à quartz ETA cal. 9361 :




2015-2022 : la renaissance
Un demi siècle après l’apparition de la Grands-Fonds « Marine nationale », Georges et Charles Brunet, arrière-petits-fils de Joseph Rochet, cofondateur avec Edmond Zuccolo, de Zuccolo-Rochet Compagnie, prennent les commandes de la société et décident de réinterpréter l’objet mythique sous des traits contemporains. Ainsi naît une nouvelle Grands-Fonds 300, lancée en 2015 avec un souci remarquable de valorisation de l’héritage esthétique et technique. Saluée par la communauté, cette nouvelle ZRC connaît depuis un succès commercial mérité — tout en restant un modèle très exclusif…
En 2021, sous la pression des fans et de la passion sincère qui anime Georges Brunet, ZRC annonce enfin une réédition plus fidèle aux Grands-Fonds originelles. Sous l’appellation GF 38, ce sont de nouvelles Série 2 et Série 3 qui voient le jour fin 2022. L’histoire continue, en Suisse et toujours aux abords du lac d’Annecy, et c’est tant mieux !
Références
- Militarywatch : « Cousteau and watches ». [en] Un formidable inventaire, photos à l’appui, des nombreux modèles qui ont eu la chance de voyager sur la Calypso, de A comme Aquastar à Z comme… ZRC.
- Moonphase.fr : « Le retour de la ZRC Grands Fonds Marine nationale, la montre des hommes du commando Hubert », avril 2015. [fr] Une évocation de la Grands-Fonds originelle et une présentation de sa descendante, lancée en 2015.
- Montresanciennes.fr. [fr] Plusieurs exemplaires magnifiquement restaurés par un maître en la matière…
- Forums francophones : d’excellents sujets sur le Forum à montres, et sur Montres mécaniques ici et là.
- Crédits photos : Outre les photos que j’ai réalisées de mes ZRC Grands-Fonds 300 m Séries 2 et 3, ces articles sont illustrés par les formidables clichés de Danomar (ZRC Grands-Fonds 300 m Série 2), Fanny1104 (ZRC Grands Fonds 300 m série 3 à lunette militaire), GetTheWatches (lunette ZRC Spatiale), Gregoriades (ZRC Spatiale), Kirill Y./Omegaforums (ZRC Spatiale), Marcapron (Zeder Grands-Fonds), Paul Milwatch (ZRC Grands-Fonds 300 m série 1), T<25_Roma (ZRC Grands-Fonds 300 m Série 3 « tropicale »). Certaines images n’ont pu être attribuées ; que leurs auteurs n’hésitent pas à se signaler et veuillent bien m’excuser l’emprunt.
- Remerciements, enfin, aux excellents Benjamin G., aka @lucchese.watches, pour sa grande expertise, son aide précieuse et son amitié, Jérôme G., aka @thedivewatchguy et Claude Tauveron qui font vivre la flamme de la marque ZRC, notamment sur les réseaux sociaux avec l’excellent ZRC Watch Club sur Facebook.
2 commentaires sur « ZRC Grands-Fonds 300 m Série 3 : conclusion provisoire »