Chronographe TPS : la Roue se réinvente

Vous savez sans doute, cher lecteur, que je suis essentiellement un « vintage guy » et plutôt porté vers les montres de plongée des décennies 1950-1960. C’est dire que la rencontre avec un chronographe contemporain inspiré des Seventies était a priori improbable. Pourtant, l’attractivité de la Roue TPS (Tachymeter & Pulsometer Scales) a été telle que j’en ai fait l’acquisition. ça tourne.

Cette revue fournit l’occasion de faire découvrir un peu mieux cette jeune marque lancée en 2017 par un ancien de la finance, Alex Iervolino. Cet Italien doué, après avoir gagné et fait gagner beaucoup de ronds, a décidé de passer à la Roue (hahaha). Passionné de design et d’automobile (un virus hérité de son père), il se met en tête de monter une affaire susceptible de les combiner sans pour autant engager des moyens industriels… Ce sera Roue Watches. Pas sûr que le nom se prononce très bien aux quatre coins de la planète mais la référence est claire : ce mot bref emprunté à la langue française est un trait d’union entre la mécanique horlogère et l’univers automobile qui résume parfaitement l’ADN de la marque.

Après avoir lancé, avec un certain succès, une première collection de modèles inspirés des boîtiers « tonneau » en vogue dans les années 1970, à trois ou cinq aiguilles, Roue Watch dévoile maintenant un chronographe tricompax qui ne fait que confirmer la belle lancée sur laquelle se trouve la marque.

Roue Watch, Episode II : la TPS

Avec les chronographes TPS, tout juste dévoilés, Roue Watch décline le concept des premiers modèles : une structure commune et plusieurs variantes. Sans reprendre la forme des premiers modèles, le dessin du boîtier reste néanmoins fidèle à l’esprit originel : des lignes simples et tendues. Réalisé en acier brossé, il place parfaitement ses 40 mm sur le poignet. Allégées par de judicieux chanfreins polis — dont on devine qu’ils ont fait l’objet d’une modélisation minutieuse — et terminées en biseau, les cornes sont costaud sans être lourdes et permettent de contenir la longueur totale. En résulte une montre qui trouvera autant sa place sur les poignets fluets que les plus forts.

LHC : 40 mm. LCC : 42 mm. LHT : 48 mm. EC : 20 mm. EHT : 13,4 mm.

hommage à une automobile d’exception

Collectionneur de voitures anciennes, Alex déclare sa prédilection pour Jaguar mais Porsche est une référence tellement évidente et populaire dans le sport automobile… « La TPS est un hommage à la Porsche 910, vainqueur des Mille kilomètres du Nürburgring en 1967 »,  revendique-t-il. Et pourquoi la 910 alors ? Personnellement, j’y voyais a priori l’idée que, récompensant de nombreuses années de travail de conception, de mise au point, de tâtonnements, d’échecs… elle constituait un bel éloge de l’audace, de la rigueur et de la persévérance. La réalité est plus prosaïque : Alex est tombé un jour sur une photo captivante de l’engin qui lui parut aussitôt parfaitement adaptée pour un fond de boîtier. « Mon plan est de faire quelque chose avec la Jaguar Type D dans ma prochaine montre », avoue-t-il toutefois.

La voiture qui permit à Porsche de prendre le relais des « Flèches d’argent »

Nous sommes le 11 juin 1955. Au Mans, la course des 24-Heures bat son plein et oppose l’armada des Mercedes aux Jaguar Type D. La tension est extrême et un drame se produit. La « Flèche d’argent » — surnom donné aux bolides allemands — pilotée par le Français Pierre Levegh décolle de la piste et traverse une foule de spectateurs, faisant 80 morts et 120 blessés, parmi lesquels des enfants. Sans aucun doute la pire tragédie de l’histoire du sport automobile. L’écurie Mercedes, sans attendre la fin de la course, retire ses voitures et rentre à Stuttgart. On ne reverra officiellement l’étoile à trois branches sur les pistes d’endurance qu’en… 1989.

Dans les années qui suivent, la piste appartient désormais aux Britanniques (Jaguar) puis aux Italiens (Ferrari) et aux Américains (Ford) jusqu’à la fin des années 1960. Les Allemands ne retrouveront la maîtrise de l’asphalte qu’ensuite, grâce cette fois aux redoutables ingénieurs de chez Porsche. Au Mans, ce sera l’ère des 917 K, puis des 936, 956, 962… Matra et d’autres parviendront parfois à se glisser sur la première marche du podium mais les Bavaroises resteront favorites et souvent victorieuses jusqu’en 1987.

La Porsche 910 (ci-dessous) est bien celle qui inaugure les « Vingt Glorieuses » du constructeur allemand.

PORSCHE 910 Racing Works Coupe.

La Porsche 910 ci-dessous, vendu chez Bonhams en 2010, portant le numéro 8 et pilotée par Gerhard Mitter et Lucien Bianchi, mena la course jusqu’au dernier tour. Terrassée par un problème d’alternateur, elle finit tout de même quatrième, derrière ses trois co-équipiers…

Inspirations horlogères

Sur un plan plus strictement horloger, s’il fallait chercher une inspiratrice à la Roue TPS, on se dirigerait d’abord volontiers vers la Zenith El Primero, dont les dimensions sont plus contenues (38 mm) mais qui partage avec la Roue des lignes tendues et une grande ouverture de cadran.

Cette ouverture de cadran, d’ailleurs, ainsi que la disposition des compteurs résultant du choix du mouvement Seiko VK63, rappellent d’autres modèles : les grands chronographes du début des années 1970 motorisés par le calibre 1873 sous les marques Lemania, Tissot et d’autres, sans parler des chronographes Omega Seamaster de la même époque. Difficile, enfin, de ne pas songer aux Enicar Sherpa Graph. Que de références flatteuses ! Dernier axe d’inspiration, la combinaison d’une échelle pulsométrique sur le premier quart du cadran et d’une échelle tachymétrique sur les trois quarts restants, à l’instar de certains chronographes Tissot ou encore du Jaeger-LeCoultre ci-dessous.

OMEGA Chronostop réf. 145.008 et ROUE TPS Two.

Comme à l’époque, toute cette place sur le cadran a laissé au designer un beau terrain de jeu… qu’Alex Iervolino a parfaitement exploité. Chaque déclinaison, tout en contenant les mêmes informations — heures, minutes, secondes, compteurs 60 minutes et 24 heures, échelles pulsométrique et tachymétrique, — en assure une interprétation très spécifique, de la sage « One » à cadran noir à l’exotique « Three » aux nuances de gris-bleu en passant par la « Two » qui confirme que les pandas sont une espèce indispensable sur notre planète (et qui fut mon choix d’acquisition). Dans tous les cas, des éléments de couleur vive viennent réveiller l’ensemble et conférer une touche moderne et sportive.

Avant de s’y plonger tout à fait, il convient de noter le soin visiblement apporté, également, au profil du verre. Minéral, il met parfaitement en valeur le cadran tout en provoquant de subtiles déformations qui mettent en valeur son épaisseur et l’impression de robustesse et de sécurité que cette dernière inspire, sans nuire à la lisibilité.

ROUE WATCH TPS Two, 2019.

Encore une fois, le vrai spectacle est offert par les trois cadrans de la TPS :

ROUE WATCH TPS Three, 2019.

On y trouve, comme sur la première collection, un travail de conception qui, s’il ne cherche pas à échapper aux citations du passé ni à s’affranchir des codes classiques, illustre en même temps d’un vrai savoir-faire en termes de design : le choix de concevoir ces cadrans en trois couches superposées témoigne déjà de la volonté de créer des volumes et de varier les textures, quand le graphisme, la combinaison des couleurs et la sélection des typographies composent un ensemble immédiatement séduisant, extrêmement équilibré et parfaitement lisible.

Mouvement hybride

Pour animer le tout, Roue Watch a opté pour un mouvement « meca-quartz » : le Seiko VK63, de bonne réputation en termes de fiabilité. Les mouvements meca-quartz se caractérisent tout simplement par la greffe d’un module chronographe mécanique sur un mouvement à quartz. Le calibre bénéficie de la fiabilité et de la précision du quartz tout en offrant le « toucher » d’un mouvement mécanique dans l’utilisation de la partie chrono.

Utilisés en horlogerie depuis déjà une quarantaine d’années, des mouvements méca-quartz ont aussi été développés par des manufactures suisses — Jaeger-LeCoultre pour son propre usage et pour IWC et Porsche Design, Frédéric Piguet pour Breitling, Omega, Chopard et d’autres. On en trouve ainsi dans des chronographes des années 1980-1990 mais le « retour aux sources » auquel l’industrie horlogère s’est livrée depuis les années 2000 a eu raison de ce type de solution. Pourtant, le Japonais Seiko a persévéré et s’est aujourd’hui logiquement imposé comme référence dans cette catégorie. Ses mouvements meca-quartz équipent ainsi leur entrée de gamme ainsi que de nombreuses micro-marques positionnées sur la tendance rétro telles que le Suédois Nezumi, voire sur la quasi-reproduction de modèles iconiques comme Dan Henry.

Et à part ça ?

La TPS vient avec un bracelet cuir marron à deux coutures (potable), un second bracelet en silicone (laid). Autant dire que je me suis empressé de les remplacer par un « Rallye »  cuir de plus belle facture. On trouve aussi dans la boîte une pochette de transport façon suède. L’ensemble étant facturé 290 dollars, taxes et port compris (taxes comprises pour l’Europe et les États-Unis à concurrence de 800 dollars) avec deux ans de garantie. Honnêtement, même sans verre saphir, bonne chance pour trouver un chrono neuf aussi cool à un prix pareil… Avec mille exemplaires (numérotés), y en aura-t-il pour tout le monde ?

ROUE WATCH TPS Two, 2019.
Références

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