Fleux FLX-001 : si la Skindiver avait été inventée en 2023

Avant qu’Edward Cho, créateur de Fleux Watches, propose de m’adresser un exemplaire de sa Fleux FLX, j’avais déjà l’œil attentif à ce projet qui, depuis fin 2021, promettait de faire voir le jour à une skin diver plus originale que les apparences pourraient laisser croire. Chacun jugera mais, Montre en main, l’expérience me semble tout à fait concluante.

« Vintage inspired, continually new. » Entre « inspiration vintage » et « renouvellement permanent », Fleux Watches revendique une philosophie assez répandue dans l’univers des micromarques qui ont émergé depuis cinq ou six ans. Difficile, sur cette base, de se distinguer au milieu d’une offre de plus en plus importante de montres abordables, bien conçues et dotées de mouvements automatiques sans grande noblesse mais à la fiabilité largement éprouvées.

Quand, depuis Toronto (Canada), Edward Cho a lancé son projet sur Kickstarter, il avait pourtant son idée. C’était fin 2021 et elle était claire : sur le thème de la Skindiver, ce génial concept de montre de plongée pour tous inventé dans les années 1960, à la fois simple et robuste, il voulait composer la recette parfaite du « classique revisité » agrémenté de sauce vintage.

Deux ans plus tard, après beaucoup de travail, on doit admettre que, de l’esquisse initiale à l’objet fabriqué, assemblé et attaché au poignet, l’esprit a été conservé et le résultat s’avère convaincant.

Quelques données factuelles

Mensurations

Si notre FLX-001 est une Skindiver moderne, c’est d’abord par ses dimensions. Les modèles d’époque, avec un diamètre moyen de 37,5 mm et une faible épaisseur, peuvent paraître un brin fluettes sur un poignet de 2023. Quel que soit l’avis des amateurs de montres vintage, peut-on nier en effet que le standard contemporain se situe plutôt, pour une montre un tantinet sportive, à 38-39 mm ? Telle est la taille de la Fleux, ce qui la positionne dans le même créneau que, par exemple, la Baltic Aquascaphe (39 mm) ou la Wolbrook Skindiver (40 mm).

Dimensions

LHC : 38 mm (39 mm à la lunette).
LCC : nd.
LHT : 47 mm.
LEC : 20 mm.
EHT : 14 mm.

Caractéristiques techniques

La FLX-001 ne se démarque pas non plus beaucoup de ses concurrentes sur le plan technique avec un boîtier tout acier 316L étanche à 150 m ou 200 m, un fond et une couronne vissés, une lunette graduée tournante, des aiguilles et index garnis de Superluminova. Le mouvement est également automatique et japonais mais si Baltic et Wolbrook optent pour des Myota/Citizen, Fleux choisit Seiko. Son NH38A revendique une réserve de marche de 41 heures et une précision de -20/+40 sec. par jour, à savoir des performances en accord avec la gamme de prix dans laquelle se situe la montre.

La Fleux, sans doute là aussi pour des raisons de coût mais également par considération esthétique, se démarque en revanche par l’adoption d’un verre hésalite plutôt que d’un saphir. Ce dernier, on le sait, résiste mieux aux rayures mais pèse lourd, n’offre pas les sensations vintage qu’on attend d’une montre nostalgique et s’avère impossible à réparer quand, par malheur, il prend un coup. Même si la déformation du bord du cadran due à la courbure du verre s’avère, de mon point de vue, visuellement un brin gênante, c’est plus de l’ordre du détail pour maniaque… Bon choix, donc.

De même, quand les Baltic et Wolbrook se targuent d’une lunette crantée unidirectionnelle (120 clics), Fleux reste fidèle aux inspiratrices des années 1960 en optant pour une lunette à friction — dont l’ajustement est parfait, à la fois ferme et soyeux. Comme sur la Wolbrook, seul le triangle est luminescent.

Sensations

Vous avez bien noté que la Skindiver de Fleux se déclinait en deux versions. Celles-ci se distinguent seulement par le design du cadran et de l’insert de lunette.

La 001 dispose ainsi d’une lunette graduée à rebours et d’un cadran à index géométriques tandis que la 002 présente une lunette décorée d’un seul repère luminescent circulaire — comme originellement sur les Blancpain Bund — et un cadran combinant chiffres arabes, index géométriques et chiffres romains.

Et hop : voilà l’occasion rêvée de faire un petit détour historique sur ce type particulier de cadran, dit « cadran California »…

Le cadran California

Selon la légende, il aurait été imaginé dans les années 1930 pour répondre aux difficultés qu’éprouvaient les pilotes de l’armée de l’air américaine pour lire l’heure en vol sur leur montre-bracelet. Il faut en effet se représenter les intenses vibrations, la luminosité souvent médiocre et, sans doute aussi, la buée qui devait s’inviter régulièrement dans le cockpit, sans parler de la quantité d’instruments d’avionique à vérifier constamment. Certains de ces pilotes contrariés seraient alors venus voir un détaillant Rolex de Los Angeles pour lui demander de repeindre le cadran de leurs montres de manière plus lisible…

Nonobstant cette origine mythique, l’histoire prend un tour plus officiel le 17 août 1942 chez Rolex avec le dépôt d’un exposé d’invention au bureau fédéral suisse de la propriété intellectuelle décrivant les caractéristiques de ce cadran hybride pourvu de matière luminescente à base de radium. Baptisé « Error proof radium dial », ce cadran équipait des modèles Rolex dès 1934 et, en 1936, les illustres Radiomir créées en association avec l’Officine Panerai, non pour des pilotes d’avion mais pour les nageurs de combat de l’armée italienne.

Quant au surnom « California », il serait apparu dans les années 1980 de l’engouement des collectionneurs japonais pour les Rolex « Bubble Back » dotées de ce type de cadran. N’en trouvant pas sur l’archipel, il seraient allés en dénicher sur le marché américain, et notamment en Californie…

Rééditions

Réédité par Panerai soi-même en 2006, la Radiomir « California » a inspiré plusieurs marques avant Fleux, avec des résultats plus ou moins convaincants : Serica, Mat Watches, Ralf Tech ou encore Unimatic.

La FLX-001 en main

Lorsqu’Edward m’a contacté, il m’a offert le choix de recevoir une FLX-001 ou une FLX-002 et c’est la 001 qui a emporté ma préférence. Non que le cadran California me rebutait, bien au contraire, mais il fallait bien choisir et j’aime vraiment la lunette de la 001 avec ces fines graduations qui lui octroient une certaine élégance.

L’engin arrive dans une boîte robuste et fonctionnelle, monté sur un bracelet en Seaqual — comme ceux provenant de chez Avel & Men, dont nous avions parlé il y a quelques temps. Il dégage d’emblée un parfum vintage. La forme simple et efficace des boîtiers Skindiver originels saute aux yeux au premier instant, avant même que l’œil s’arrête sur le cadran. Les surfaces ont fait l’objet d’un léger brossage pour en rendre l’aspect satiné, réveillés seulement par de fins chanfreins aux arrêtes des cornes. Avec ces ingrédients classiques, l’amateur de vintage est en terrain connu… Un autre point rassure une fois la montre en main : si elle est épaisse, le dessin du boîtier neutralise bien 3,5 mm dissimulés en gardant le fond en retrait des flancs, ce qui la fait paraître bien plus fine au poignet. Ainsi, malgré cette inflation, la différence n’est pas si flagrante par rapport à ses aînées.

Ensuite, c’est la lunette qui attire le regard : les petits chiffres et les fines graduations fonctionnent bien, malgré leur faible lisibilité (d’autant que seul le triangle est luminescent). La disposition fait même un peu penser à l’Omega Seamaster 300 CK2913…

Puis vient le cadran. Une vraie réussite, ce cadran : un fond noir soyeux, légèrement passé, de fines écritures dorées, le chemin de fer qu’on adore chez les antiques Submariner et cette étonnante asymétrie des index. Pour rester dans le jargon Rolex, c’est Maxi Dial au nord, Radial Dial au sud, en quelque sorte… et le résultat est très convaincant. Par une étonnante alchimie visuelle, on a presque l’impression que ces index sont animés d’un mouvement mystérieux. (Même à jeun, oui.)

Ajoutons que ces index sont puffy (bouffis), comme on dit de ces gros points gavés de pâte au radium ou au tritium qui font tant pour le charme de certaines vieilles plongeuses et contribuent ici aussi beaucoup au charme du cadran de la Fleux, tout comme la teinte « old radium » du SuperLuminova. Ces tonalités ne sont pas sans rappeler la délicieuse Unimatic Modello Uno dans sa référence U1-B…

Les aiguilles sont aussi directement inspirées des montres de plongée professionnelles. Sous la fine trotteuse « goutte » peinte en noir. Celle des minutes est teintée en orange, comme sur les Omega Ploprof ou les Squale 100 ATM, auxquelles la forme « crayon » fait immédiatement penser… On apprécie le clin d’œil.

En définitive, la Fleux FLX-001 apparaît comme un exercice concluant. La montre est bien finie et agréable à porter dès que l’on troque le très rigide bracelet en Seaqual contre un cuir, un Nato ou un style Tropic, et rien à dire sur ses performances mécaniques. Mais ce qui fait vraiment la différence, c’est son design. Fleux n’est certes pas la seule marque à avoir élaboré un style mariant les accents nostalgiques et les traits résolument contemporains mais la FLX-001, plus encore que la FLX-002, de mon point de vue, est une alchimie particulièrement réussie en ce que les citations du passé sont convoquées au service d’une création moderne globalement cohérente. Avec la Fleux, on ne porte pas une montre qui fait semblant d’être ancienne et patinée : on porte bien une montre de 2023 dont le design incorpore avec intelligence ce qu’on aime dans les vintage.

NB : L’exemplaire de la Fleux FLX-001 testé et commenté dans cet article a été gracieusement offert par Edward Cho.


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