WMT : la couleur du vintage

Depuis quelques années, la société Watch Experimental Unit (WMT), basée à Hong-Kong, produit et personnalise des modèles fortement inspirés de références classiques équipés de mouvements automatiques japonais. WMT ne se borne pas, cependant, à réaliser des « hommages » un peu froids, répétitifs et désincarnés. Leur atelier a développé une compétence particulière dans l’art de « vieillir » l’aspect de ses modèles et, sur demande, de les personnaliser. Je n’en pouvais plus de rêver vainement aux Milsubs et aux Fifty Fathoms alors J’avoue, j’ai craqué.

Pour nous, passionnés de montres anciennes, certains modèles font figure de Saint-Graal. Dans l’univers particulier des montres de plongée à vocation professionnelle et militaire, il en est deux au moins qui tournent dans la tête de la plupart d’entre nous comme des cibles éblouissantes et lointaines, des stars au firmament des profondeurs : il s’agit de la Rolex Submariner ref. 5517 et de la Tornek-Rayville ref. TR-900. Si un génie sortait d’une lampe trouvée dans un vieux grenier et m’offrait trois vœux, j’en garde un secret mais les deux autres seraient ces deux montres…

À défaut de réaliser ses rêves, les montres WMT permettent de rêver éveillé…

WMT a beaucoup changé depuis sa naissance. Débutant sous le nom de Walter Mitt Watches, la société produisait des montres inspirées des grands classiques qui tenaient encore beaucoup de la montre fantaisie. Design inabouti, finition médiocre… mais WMT était capable de proposer de nombreuses variantes sur mesure à partir d’éléments interchangeables — le client pouvant créer « son » modèle en jouant sur six ou sept paramètres tels que le cadran, les aiguilles, l’insert de lunette, la matière du boîtier… Surtout, l’atelier développait un savoir-faire, sans équivalent dans cette gamme de montres, en matière de personnalisation et de « patine ». Rendre un cadran crasseux et harmonieusement tropicalisé, rouiller des aiguilles ou tacher des index, c’est tout un art.

Et puis WMT, tout en devenant la Watch Experimental Unit, a fait des progrès spectaculaires, diversifié son offre et lance désormais régulièrement des séries limitées abordables (pré-financées par souscription) et beaucoup plus convaincantes. Les assemblages sont plus soignés, le design des pièces visibles est infiniment plus travaillé, les matériaux ont un bien meilleur rendu. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si on en voit fleurir sur les comptes Instagram d’un nombre croissant de collectionneurs, y compris de très respectés.

Bien entendu, il ne faut pas être dupe de ce que l’on acquiert pour 450 à 600 euros : il ne s’agit pas de pièces de musée ni d’horlogerie haut de gamme mais de montres qui offrent une sensation visuelle gratifiante, qu’on porte pour le fun. À défaut de réaliser ses rêves, les montres WMT permettent de rêver éveillé… ce qui est déjà pas mal !

C’est précisément pour cela — et par curiosité — que j’ai donc fini par céder au charme en faisant l’acquisition d’une première, puis d’une deuxième WMT…

Royal Marine « Royal Navy »

Si WMT se garde de présenter explicitement le modèle ainsi, cette version baptisée Royal Navy de la Royal Marine ne laisse guère de place au doute : il s’agit d’un hommage direct à la Submariner ref. 5517, elle-même adaptation de la ref. 5513 au cahier des charges de la Royal Navy britannique.

Conçue pour les nageurs-plongeurs de combat de l’armée britannique, la « Milsub » 5517 ne fut produite qu’à leur usage exclusif. Il n’en existe pas de version civile. Sur la série de 1200 à 1500 pièces commandées par la Royal Navy et livrés entre 1971 et 1979, seuls 180 exemplaires seraient rescapés de leurs éprouvantes années de service. Autant dire qu’il s’agit de montres d’une grande rareté. Par rapport à la 5513 dont elle dérive, la 5517 se distingue notamment par quelques détails esthétiques évidents — le jeu d’aiguilles, la graduation de la lunette — mais aussi par quelques caractéristiques moins visibles.
Saviez-vous, par exemple, que l’insert de lunette était fabriqué en argent sterling ? L’alliage réalisé était réputé pour sa grande résistance aux chocs. La lunette elle-même s’avère un peu plus large que la version standard afin d’améliorer sa préhension en condition difficile. Enfin, l’armée britannique imposait l’adoption de pompes soudées, les montres étant portées sur des bracelets G10 en nylon pour un maximum de sécurité et de discrétion. Les objets métalliques peuvent être en effet les meilleurs ennemis des commandos car il peuvent émettre de dangereux reflets.
C’est d’ailleurs ce qui arriva à un soldat tireur d’élite engagé dans la guerre des Malouines et blessé par un Argentin qui avait repéré le reflet de sa montre au clair de lune… À la suite de cette mésaventure, qui fut dûment rapportée aux services compétents, tous les exemplaires de 5517 passant dans les ateliers de révision de Bexley eurent les flancs brossés.

Aiguille glaive, T cerclé, lunette intégralement graduée : tous les codes sont présents.


WMT a bien repris les codes typiques de la Submariner 5517. Pour répondre aux exigences de la Royal Navy, Rolex avait en effet substitué aux aiguilles lollipop et mercedes des aiguilles glaive et goutte (comme sur les Omega Seamaster 300) et prolongé la graduation de la lunette au-delà des 15 premières minutes. Outre ces caractéristiques, on retrouve aussi le T cerclé, qui évoque traditionnellement l’utilisation du tritium comme matière luminescente sur les montres militaires britanniques.

Le fond vissé ne plagie pas celui des fameux boîtiers Oyster et se contente des mentions de rigueur.

La couronne adopte une forme proche des couronnes twin lock et remplit bien mieux les épaulements que sur les premières versions. Elle est signée du logo WMT.

Outre la fausse patine des aiguilles et du cadran, un effet de vieillissement est appliqué au cadran, aux aiguilles et à l’insert. L’effet est plutôt réussi. En main, la montre procure des sensations réellement évocatrices d’une Sub d’origine. Il ne lui manque qu’un peu d’usure pour faire illusion…

Seawolf USN

Avant-dernière née dans la collection WMT, la gamme Seawolf s’inspire, pour sa part, des légendaires Fifty Fathoms conçues par Blancpain. La version USN, lancée en série limitée il y a quelques semaines, rappelle plus précisément l’une des versions les plus prisées : la Tornek-Rayville TR-900.

Blancpain figure parmi les pionniers de la montre de plongée moderne. Créée au début des années 1950, la Fifty Fathoms acquiert très vite une réputation à la hauteur de sa grande qualité de conception. On la trouve au poignet des premiers plongeurs professionnels et nageurs de combat. Aux États-Unis, où ces unités d’élite se développent, ces montres ont été testées et retenues en 1958 par l’unité de plongée expérimentale de la Marine mais la législation protectionniste alors en vigueur interdit l’acquisition directe auprès de Blancpain. C’est donc la filiale états-unienne, la société Tornek-Rayville (nom tiré d’Allen V. Tornek, importateur de Blancpain, et du nom officiel de la maison horlogère, adopté en 1932 après le décès du dernier membre de la famille Blancpain à la tête de la société) qui soumissionne et remporte l’appel d’offres. Deux lots de Tornek-Rayville sont livrés à l’armée américaine, fin 1964 et mi-1966, pour un total d’environ mille exemplaires.
Équipée d’un cadran et d’aiguilles luminescents (au promethium 147 et non au tritium) et d’un mouvement automatique A. Schild AS 1361 protégé par un cache-poussière anti-magnétique en laiton et enfermé dans un boîtier micro-billé étanche à fond vissé, la TR-900 suit le document de spécification militaire MIL-W-22176A. Cette norme avait été établie après avoir testé trois modèles : la Blancpain Fifty Fathoms, la Rolex Submariner et l’Enicar Seapearl 600. Selon le rapport, un boîtier poli « ne devrait pas être utilisé dans les eaux tropicales où vivent des poissons mordants ». Par ailleurs, le fond en deux parties, l’indicateur d’humidité, la large lunette luminescente et facile à manipuler, le cadran très lisible finissent de convaincre que le choix de Blancpain est le meilleur.
Utilisée dans toutes les eaux de la planète, la TR-900 est aujourd’hui une montre excessivement rare. Certaines ont été perdues ou détruites en opération et beaucoup furent mises au pilon une fois réformées. Il n’en reste probablement que quelques dizaines dans le monde.

Jusqu’à l’indicateur (factice) d’humidité, plein de détails font de cette USN un hommage réussi.


La Seawolf USN ne se contente pas de reprendre la forme typique des Blancpain et apparentées : WMT s’est appliqué à citer de nombreux éléments spécifiques à la TR-900, à commencer par le fameux cercle indicateur d’humidité (moisture circle) imbibé d’un réactif destiné à alerter le plongeur si sa montre présente un défaut d’étanchéité. Naturellement, celui-ci est factice.

Le cadran, dans l’ensemble, est très évocateur du modèle d’origine, caractérisé par index géométriques, tandis que le jeu d’aiguilles prend quelques petites libertés.

Autre élément spécifique : les TR-900, qui étaient des montres militaires, suivaient un cahier des charges leur imposant un traitement microbillé de la surface du boîtier, ce afin d’éviter des reflets susceptibles de trahir la présence du commando ou d’attirer les « poissons mordants » (voir infra). Cette caractéristique est dûment reprise ici, avec un rendu assez flatteur.

Quant au fond de boîtier, il évoque de loin celui de la Tornek-Rayville, jusqu’à inscrire : « FOUND RETURN TO NEAREST MILITARY FACILITY » !

Tant sur la Royal Navy que sur l’USN, le verre en plexi bombé et la fausse patine achèvent de créer l’illusion d’avoir entre les mains des pièces historiques. Au chapitre des bémols, évoquons d’abord la surprise de constater que seules les aiguilles sont luminescentes. Le constat un drôle d’effet de prime abord mais s’avère sans grande conséquence pratique étant donné le mode d’utilisation de ces engins — qui ne supporteraient d’ailleurs pas forcément bien la plongée.

Côté mécanique, même si mes deux exemplaires tiennent fort bien l’heure, le bruit de frottement du rotor gâche un peu le plaisir, de même que la faible réserve de marche. On sait que ce n’est pas sur la qualité du mouvement que portent les efforts de la marque. Pour le reste, le temps dira si ces fausses vieilles sauront rester en forme et gagner du charme en prenant aussi des rides naturelles.

Conclusion

En définitive, je n’ai toujours pas de Fifty Fathoms, toujours pas de Milsub… et je n’en aurai sans doute jamais. En revanche, j’en ai désormais l’illusion fugace tout en me disant que je peux porter ces montres sans craindre d’exposer et d’abîmer des trésors. Ce ne sera pas forcément très glorieux aux yeux des puristes mais on n’a qu’une vie et si cette vie ne suffit pas à réaliser tous ses rêves, pourquoi ne pas faire un peu « comme si » ?


Références

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