Le chronographe Hamilton de Charles d’Angleterre

Alors que Charles III est désormais coiffé de la couronne britannique, c’est moins à sa tête qu’à son poignet que nous allons nous intéresser un court moment… Comme tout membre de la famille royale qui se respecte, le jeune Charles a suivi une formation militaire et servi, de 1971 à 1976, dans divers corps d’armée. Il n’en fallait pas tant pour qu’il se voie doté d’un chronographe qui a attiré l’œil des collectionneurs : un Hamilton cal. Valjoux 7733.

Charles d’Angleterre, jeune prince de Galles, conformément à la tradition royale, s’est dûment acquitté de son devoir militaire. Ayant demandé et reçu la formation de la Royal Air Force au cours de sa deuxième année à Cambridge, il entre en 1971 au RAF College Cranwell avant de bientôt se lancer dans une carrière navale. Il suit un cours de six semaines au Royal Naval College de Dartmouth puis sert sur le destroyer lance-missiles HMS Norfolk (1971-1972) et les frégates HMS Minerva (1972-1973) et HMS Jupiter (1974).

En 1974, il acquiert le brevet de pilote d’hélicoptère à la base Yeovilton et rejoint ensuite l’escadron aéronaval 845 opérant à partir du HMS Hermes. Le 9 février 1976, il prend le commandement du chasseur de mines côtier HMS Bronington pour ses dix derniers mois au service actif dans la marine. Il apprend également à piloter différents appareils tels que l’avion d’entraînement DHC-1 Chipmunk, le Hawker Siddeley Andover, le Westland Wessex et le BAe 146, avions de la Flotte royale.

Au titre de pilote de la RAF, Charles reçoit un chronographe réglementaire, réalisé le cahier des charges du Ministry of Defense par Hamilton, CWC, Newmark et Precista, dans quatre version surnommées les « Fab Four ».

Les Fab Four

Les Fab Four (pour Fabulous Four) désignaient à l’origine les quatre membres du mythique groupe des Beatles. L’expression a prospéré et fini par désigner, dans le jargon des collectionneurs, les quatre marques retenues pour fournir à l’armée britannique, dans les années 1970, des chronographes à l’usage de leurs pilotes d’aéronefs.

Sur fond de Guerre froide et d’enlisement meurtrier au Vietnam, alors que les pays occidentaux sentaient s’essouffler la dynamique de ce que l’on a appelé en France des Trente glorieuses, la fin des années 1960 et le début des années 1970 sont une période de remise en cause et de vaches maigres pour les forces armées. L’antimilitarisme bat son plein et les budgets sont rabotés. Partout, il faut rationaliser. Partout, les cahiers des charges et les relations avec les fournisseurs sont revus dans le but de faire des économies. Au Royaume-Uni, le DEF-STAN (Defence Standardization) du Ministry of Defence est ainsi modifié afin de produire des pièces plus viables commercialement : le DEF-STAN 6645-66 (issue 2) partie 1 (1969) vise le mono-poussoir Lemania tandis que que la partie 2 (1970) correspond aux modèles à deux poussoirs tels que le Hamilton.

Le cahier des charges des chronographes destinés aux pilotes, proche de celui qui avait encadré la conception du Lemania Mono-pusher, maintient le principe d’un boîtier asymétrique en acier de 39 mm de diamètre, d’un cadran noir et d’aiguilles et index luminescents. La vraie différence réside dans le mouvement : fini le remarquable calibre 2220 à roue à colonnes, place au Valjoux 7733 à cames, plus rustique mais robuste et, surtout, bien moins cher.

Résultat : quatre chronographes aussi lisibles que costauds que l’on trouvera, selon les marques, affectées à la Royal Air Force (marquage 6BB visible sur le fond de boîte) ou à la Royal Navy (marquage 0552). Toutes affichent la référence 9243306, qui correspond aux spécifications militaires du MoD, tandis que les dernières inscriptions indiquent le numéro d’émission suivi de l’année de production. Si les Hamilton et CWC, pour avoir été produites tout au long des années 1970, sont plus courantes, les Newmark et Precista ne sont sorties des ateliers que, respectivement, en 1981 et 1982.

Les photos connues sur lesquelles apparaît la montre étant de médiocre qualité, il a été longtemps difficile de savoir s’il s’agissait d’une Hamilton ou d’une CWC. Ce sont les recherches de Zackes Mayer qui ont permis de confirmer que c’était une Hamilton. Il n’élucide toutefois qu’une partie de l’histoire car Hamilton fournissait tant la RAF que la Royal Navy. Reste donc à savoir si la montre fut à l’époque remise au prince Charles lorsqu’il était à Cranwell College, ou bien un peu plus tard…

Les inscriptions gravées sur le fond de boîte permettraient de lever cet insoutenable doute !

Hamilton : une histoire des deux côtés de l’Atlantique

L’origine de la maison Hamilton se trouve aux Etats-Unis. et plus précisément à Lancaster, en Pennsylvanie. En 1886, s’y établit la Keystone Standard Company, repreneur de la Lancaster Watch Company. La Keystone fabriquait des montres dotées d’un dispositif breveté de protection contre la poussière mais, rapidement menacée de faillite, l’entreprise fut rachetée en 1892 par la Hamilton Watch Company et fusionnée avec l’Aurora Watch Company (Illinois). Echappant à une tentative de rachat opérée par Benrus en 1951, Hamilton s’est notamment illustrée — tout comme Benrus d’ailleurs — pendant les deux guerres mondiales comme fournisseur de l’armée américaine. Rien qu’entre 1942 et 1945, c’est plus d’un million de montres qui furent ainsi livrées. On retiendra aussi que la première montre électrique au monde fut une l’Hamilton Electric 500, commercialisées à partir de 1957 avec des boîtiers aux formes originales tels que celui de la fameuse Ventura conçue par Richard Arbib, popularisée par Elvis Presley dans le film Blue Hawaï.

En 1966, Hamilton rachète la Buren Watch Company et, allégeant ses activités aux Etats-Unis en 1969, c’est dans les infrastructures de cette manufacture suisse que la firme transfère la production. Deux ans plus tard, la marque Hamilton est rachetée par la SSIH (Omega-Tissot, futur groupe Swatch), qui l’exploite notamment pour lancer des montres à quartz qui connaissent un certain succès.


Références

  • CWC Addict : « A Royal Hamilton ». [en] Article offrant d’intéressant détails sur la carrière militaire de Charles d’Angleterre et quelques photos montrant son chronographes Hamilton.
  • Ssongwatches.com. [en] Bon article sur les Fab Four.
  • Crédits : Analog/Shift (Lemania Mono-pusher).
  • Remerciements : un merci tout particulier à Mark T., aka @marco_polo993, pour les informations qu’il m’a si gentiment transmises au sujet des chronographes évoqués dans cet article. Il a ainsi permis de rectifier une erreur et m’a indirectement entraîné dans une envie de compléter ce papier de quelques précisions complémentaires.

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