Moment de jouissance pour les amateurs vieilles voitures sportives, ce film fait pointer au moins deux beaux anachronismes horlogers pour les amateurs de vieux chronographes sportifs…
Si vous ne l’avez déjà fait, allez voir Le Mans 66 (titre original : Ford v. Ferrari). N’était la double performance d’acteur à mettre au crédit de Matt Damon (Carroll Shelby) et surtout Christian Bale (Ken Miles), il resterait le rendu de la tension des courses automobiles de l’époque, la success story bien rodée et la restitution de l’ambiance des années 1960 avec la petite pointe de comédie qu’on aime bien.
Pour autant, cette superproduction à la gloire de l’audace yankee triomphatrice du « Vieux-Monde » n’est pas exempte de défauts, à commencer par celui d’être… une superproduction à la gloire de l’audace yankee triomphatrice du « Vieux-Monde ». Pour l’amateur de montres anciennes, elle en a un autre : l’inexactitude historique.
Pendant toute la projection, dont j’ai eu la chance de profiter en avant-première le 8 novembre dernier, j’ai évidemment guetté le poignet des protagonistes, l’œil aux aguets d’apparitions sympathiques… Sans qu’il bénéficie du moindre gros plan appuyé, type « placement produit », le chronographe de Carroll Shelby, qui revient très souvent à l’image, est d’autant plus facile à exhiber que Matt Damon est généralement vêtu de ces chemisettes à la mode de l’époque.


Le cadran « panda » facilite grandement son identification et je soupçonne rapidement qu’il s’agit d’une Heuer Carrera — reconnaissable à ses longues cornes droites, épaisses et tendues, qui écartent rapidement les principales hypothèses concurrentes : chrono Hamilton ou Breitling Top Time.
Le lendemain matin, après quelques recherches compulsives, l’hypothèse est confirmée : il s’agit de la référence 7753 SN. En revanche, il apparaît alors que la production a commis une grossière erreur : Matt Damon porte cette montre du début à la fin du film, dont l’intrigue se déroule grosso modo entre 1961 et 1966, mais cette référence n’est introduite chez Heuer que vers 1970…

Je partage aussitôt mes captures d’écran et ce constat sur le groupe International Vintage Heuer Owners Club où Jeff Stein confirme l’information. Il la reprendra et la complètera quelques jours plus tard dans article sur On The Dash (sans citer la source, sympa…), ce qui permettra également à la maison Tag Heuer de confirmer à son tour qu’elle a bien fourni à la production du film ce chronographe ainsi que celui que porte Christian Bale, alias Ken Miles : une Autavia « Jochen Rindt » ref. 2446, beaucoup plus furtive à l’écran mais pas moins anachronique puisque cette version date de la fin des années 1960…

Le jeu s’est poursuivi quelques jours après avec Pierre-Jean M., alias @the_rolexrialist, qui avait exhumé de ses archives une photo du vrai Ken Miles portant sa vraie montre, un autre chronographe de belle facture. Là encore, l’identification fut assez aisée. Il s’agit d’une Breitling AVI Co-Pilot reconnaissable à sa lunette et au compteur des minutes portant des petits inserts lumineux très typiques :

Cela au moins, on ne le lira pas sur On The Dash : Jeff Stein, qui trouve des justifications à l’utilisation dans le film de montres non conformes à la vérité historique, n’allait tout de même pas froisser son partenaire en parlant de la concurrence, n’est-ce pas ?… En revanche, on retrouvera l’information ainsi que de très intéressants compléments sur Monochrome Watches, qui vient de publier un article sur le même sujet.
Pour aller plus loin
- MonochromeWatches.com : « The cool watches of Shelby and Miles, back in the days and in movie ‘Ford v. Ferrari' », par Nick Gould, 22 novembre 2019. [en] L’article le plus complet sur le sujet.
- Crédits photos : Rarebirds.de (Heuer Carrera 7753 SN, Heuer Autavia 2446 « Jochen Rindt »), Getty Images, Amsterdam Vintage Watches (Breitling 765 AVI).