Qu’il s’agisse des grandes maisons ou des petites manufactures, la crise dans le secteur semble atteindre un point critique.
Quand le groupe Swatch tire la sonnette d’alarme
Début juillet, les pontes de l’industrie horlogère suisse n’avaient pas le sourire. Peu avant la publication de ses comptes, le groupe Swatch prévenait de la chute des ventes sur le premier semestre (– 12 %) et de la dégringolade du bénéfice net, « en baisse de 50 à 60 % ». Cette annonce a créé un certain émoi car, si la Fédération de l’industrie horlogère s’attendait à une baisse d’activité, il n’était pas imaginé d’une telle ampleur. Le groupe Richemont (Vacheron Constantin, Jaeger-LeCoultre…) avait pourtant bien prévenu, en juin, que le vent était mauvais.
En cause : non plus seulement la dégradation des marchés asiatiques mais aussi celle du marché français. La faute aux attentats, qui ont conduit les touristes à déserter l’Hexagone, et aux difficultés des Chinois à obtenir des visas.
Source : Swatch confirme la gravité de la crise de l’horlogerie, 24heures.ch, 17 juillet 2016.
Changement de modèle pour les horlogers indépendants
Il n’y a pas que les grands groupes horlogers qui souffrent de la crise. La période est également critique pour les petites manufactures. Le recul des exportations, cette année, est le plus important depuis la crise de 2009. La faiblesse du marché de Hongkong, le handicap du franc fort, le ralentissement de l’économie chinoise… autant de facteurs qui, ensemble, frappent durement le secteur. Pour les petites manufactures, difficile d’amortir le choc en jouant sur les stocks. Dans la vallée de Joux, la cote d’alerte est proche. Ultra spécialisés, ils ne peuvent pas non plus s’appuyer sur une offre diversifiée : tous les moyens sont concentrés sur quelques produits qu’il faut renouveler chaque année sans aucun droit à l’erreur. Enfin, en période de crise, les distributeurs privilégient la sécurité : les petites marques peinent davantage à se faire une place en vitrine. « Développer des montres ne suffit plus, estime Vincent Jaton, directeur de l’Espace horloger au Sentier. Il faut savoir transmettre sa passion. » Sans doute l’horloger le plus connu de Suisse, Philippe Dufour, ajoute : « On vit une pleine révolution de la distribution. »
Autre problème : les pièces et mouvements horlogers sont désormais rationnés. Depuis les restrictions imposées par le groupe Swatch à la distribution des mouvements ETA et l’internalisation de la production dans certaines marques (Rolex), les indépendants peinent à s’approvisionner, d’autant plus que les fournisseurs rechignent à réaliser des pièces spécifiques pour des petites séries.
Tous ces facteurs conjugués entretiennent un cercle vicieux de fragilité dont l’industrie horlogère suisse espère sortir avec l’entrée en vigueur du Swissness, en janvier 2017. Cette nouvelle réglementation pose des conditions plus strictes à l’inscription du fameux label « Swiss Made » : il faudra désormais que la proportion suisse du coût de revient d’une montre atteigne 60 %, habillage compris, contre 50 % jusqu’à présent. Mais, si cette mesure devrait mieux protéger le savoir-faire suisse, elle imposera cependant, y compris aux maisons helvétiques, des efforts sur leurs marges. Pour sortir durablement de la crise, les indépendants devront aussi poursuivre l’adaptation de leurs méthodes et de leur approche marketing, sans rien sacrifier de ce qui les rend irremplaçables : la qualité et l’innovation.