Chronomaster Aviator Sea Diver : introduction

Sorti sur le tard d’un anonymat immérité, le Chronomaster Aviator Sea Diver, lancé par Nivada (Croton Nivada Grenchen pour être complet) au début des années 1960, peut bien être moqué pour son appellation de couteau suisse, il n’en est pas moins un splendide chronographe qui, en une quinzaine d’années de carrière, a offert des variantes esthétiques et mécaniques qui réjouiront le collectionneur averti.

Chronomaster Aviator Sea Diver… que le dernier ferme la porte ! Cette appellation à rallonge, censée refléter la polyvalence du plus connu des chronographes commercialisés par Nivada Grenchen, fait encore sourire. Du moins, avant d’avoir eu ce chronographe entre les mains. L’engin, en effet, impose sa taille respectable, sa large lunette mobile à insert en epoxy, ses élégantes cornes à chanfreins.

Produit par une marque à l’histoire discrète, il est loin, naturellement, du prestige des stars de l’époque et navigue plutôt dans les mêmes eaux que les « bicompax » sportifs tels que les Yema Daytona et Rallygraf, Wittnauer Professional, Dugena et autres chronographes équipés en Landeron 48 et dérivés, ou en Valjoux 77xx. Nivada n’est pas, pour autant, totalement anonyme… Tellement pas, d’ailleurs, que l’Américain Movado s’en émeut au début des années 1960 et obtient que son concurrent, afin de prévenir tout risque de confusion, s’appelle désormais Nivada Grenchen. L’horloger suisse a en effet réussi un joli coup marketing, quelques années plus tôt, en s’associant à une expédition polaire avec un modèle devenu phare : la Nivada Antarctic.

Pour en savoir plus : Histoire de la marque Nivada

En 1963, au lancement du Chronomaster proprement dit (appelons-le ainsi pour simplifier et passons outre, provisoirement sur la version antérieure qui ne porte pas encore ce nom), l’époque est en effet marquée par les grandes explorations sportives et scientifiques : les plus hauts sommets du monde sont vaincus, les dernières terres inconnues sont enfin abordées, le fond des mers est ratissé et le cosmos lui-même devient cette nouvelle frontière qui fascine autant les savants que le grand public. Pour une marque horlogère, être associée à des aventures de ce type représente une belle assurance de succès commercial et les exemples sont d’ailleurs trop nombreux pour être cités…

L’engin qui nous occupe aujourd’hui arrive aussi dans un contexte de renouveau pour les chronographes, éclipsés pendant plusieurs années par les montres étanches automatiques à trois aiguilles. Les marques soignent le marketing en travaillant l’identité de leurs modèles : typés pour la course automobile, le nautisme ou l’aviation, les chronographes gagnent en personnalité et renouent rapidement avec le succès.

Un design typé
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NIVADA GRENCHEN Chronomaster Aviator Sea Diver, Valjoux 92, vers 1960.

Le Chronomaster, c’est avant tout un coup de maître esthétique. Dans la plupart des versions, il y a ce cadran noir mat, seulement réveillé par des inscriptions blanches (dont l’incontournable échelle tachymétrique) et une « part de camembert » rouge où est inscrit un décompte de cinq minutes, utile au départ de la régate… Il y a aussi cette large lunette tournante pourvue, quant à elle, d’une double graduation (sur soixante minutes pour la plongée et sur douze heures pour régler un deuxième fuseau horaire). Ces inscriptions, qui dispensent de surcharger le cadran, permettent de remplir pas mal de fonctions, en plongée ou en voyage notamment.

Livret utilisateur
Les neuf fonctions remplies par le Nivada Chronomaster, selon la notice de l’époque
  1. Time out Stop Watch. « For basketball, football or other games and for scientific research where it is necessary to stop the timer for time out and still keep a record of the total time. »
  2. Stop Watch. « To time races, scientific experiments etc., when timing to 1/5s is necessary. »
  3. Tachometer. « To calculate how many miles per hour an object is moving over a known course. »
  4. Doctor’s or Nurse’s watch. « To take a patient’s pulse. »
  5. Aviator’s watch. « The Chronomaster becomes a twelve hour recorder by turning Twelve hour scale until directly in line with hour hand. This hand will then show on twelve hour scale elapsed time up to twelve hours. »
  6. Skin diver’s watch. « At the time of submerging, the 60 on outside scale should be placed directly in line with minute hand. This will then indicate on outside scale the number of minutes a diver is submerged. »
  7. Yachting timer. « When the five minutes warning signal is given, press start button. This activates hand on yachting scale which show each minute down the line to zero. »
  8. Time zone watch. « To know the time in a city of a different time zone, the triangle on the revolving top must be set corresponding to the number of hours difference between the two places. »
  9. Regular Watch. « Your Chronomaster performs all the functions of a regular watch. »

Sans fantaisie particulière en dehors des cornes à chanfreins, le boîtier en acier poli est en revanche d’une réelle élégance et, surtout, parfaitement proportionné. Le fond vissé et les poussoirs ronds sont là pour préserver l’étanchéité, garantie jusqu’à 200 mètres.

Côté mécanique, on rencontre aussi des exemplaires équipés du Valjoux 23 ainsi que des mouvements sans roue à colonne : Landeron 248 et Venus 210.

Plusieurs générations, des quantités de variantes…
1961-1963 : la pré-Chronomaster

Il apparaît que la version dotée du calibre Venus 210 est d’ailleurs la plus ancienne. Antérieure à 1963, elle se distingue des générations ultérieures non seulement par sa mécanique mais aussi par son appellation : Chronomaster n’existant pas encore, notre engin est, plus classiquement, baptisé Chronograph Aviator Sea Diver.

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1963-1970 : Chronomaster première génération

Le modèle présenté ci-dessus appartient à la première génération de Chronomaster (1963-1970), reconnaissable également à une spectaculaire combinaison d’aiguilles que l’on avait trouvée, quelques années plus tôt, chez Omega : une dauphine et une flèche, toutes deux farcies de matière lumineuse. Il est animé par un mouvement Valjoux 92, qui est le plus communément rencontré sur ce modèle.

D’autres versions existent du Chronomaster de première génération. Côté cosmétique, on rencontre ainsi des exemplaires distingués par des compteurs gris et, parfois, une grande seconde centrale rouge et de forme lollipop.

Une nouvelle génération dans les années 1970

À la fin des années 1960, le graphisme du cadran change légèrement avec, sur certaines versions, l’apparition du logo (le « N » dans un blason).

Mais l’évolution la plus notable, légèrement postérieure, est l’adoption d’aiguilles droites lumineuses, dans les canons de l’époque (cf. les chronographes Heuer ou Yema, par exemple). Bien entendu, on trouve parallèlement des exemplaires sous la marque Croton, en tout point identiques mais distribués sous le nom de l’importateur américain, et sous la marque Austin, également importateur de Nivada sous licence.

Par ailleurs, les cadrans bicolores se généralisent : noir à compteurs gris, noir à compteurs blancs, voire « panda » (rare version style Rolex Daytona, équipée du Valjoux 92, sans doute l’une des plus recherchées par les collectionneurs). Si ce mouvement subsiste, le Valjoux 92 cède la place au 7733. Plus simple de conception, il est aussi plus économique. On le retrouve d’ailleurs dans un nombre infini de chronographes de l’époque. La fonction date est également proposée avec les derniers modèles : le Chronoking Aviator Sea Diver (calibre Valjoux 234 comprenant la date à douze heures), le Chronoking à trois compteurs (calibre Valjoux 7736) ainsi que le Chronograph Aviator Sea Diver (calibre Valjoux 7765 comprenant la date à trois heures et les compteurs à neuf et douze heures).

Selon le site Invenit et Fecit, où l’on trouvera la meilleure revue générale de ces modèles, la production du Chronomaster est interrompue en 1978, peu de temps avant la faillite de Nivada, emportée comme tant d’autres par la crise. Relativement facile à trouver et issu d’une marque peu connu, ce chronographe est désormais reconnu à sa juste valeur, celle d’un garde-temps élégant et bien conçu dont les multiples déclinaisons vaudraient une collection en soi… (Nooon, ne me tentez pas !)

Si cette introduction vous a donné envie d’aller plus loin, voici une série d’articles consacrée aux différentes générations de « CASD » :

1. Le Venus 210
. 2. Le Valjoux 92
. 3. Les Valjoux 23 et 234
. 4. Les Landeron 248
. 5. Les Valjoux 77XX et 72

Depuis la publication de cette série, deux auteurs ont publié un ouvrage qui fait le tour de la question de manière définitive ou presque :

Références

13 commentaires sur « Chronomaster Aviator Sea Diver : introduction »

  1. Bonjour,

    Très sympa cet article et je suis très heureux de voir que ce chrono commence a être vraiment reconnu par les accrocs du tic-tac. Cependant, et si je peux me permettre, il y a eu une precedente generation de 61 a 63 equipee du Venus 210. Cette generation propose un cadran « chronograph » et non chronomaster.

    Cordialement
    Guillaume

    Aimé par 1 personne

  2. Dans cette rubrique, tu fais référence côté mécanique et tu cites le Landeron 210, je pense qu’il y a erreur
    superbe revue merci
    aMicalement
    ChP (rocollection nov 2016 Angélus 215)

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    1. Merci pour cette relecture vigilante : en effet c’est bien sûr une coquille puisque c’est bien du Venus 210 qu’il s’agissait ! (Je corrige de ce pas…)
      Amicalement,
      Fred
      NB : Bientôt une petite revue sur l’Angélus…

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